Après les européennes, le saut dans l’inconnu
Les sondages avaient beau nous avoir prévenus depuis des semaines, la victoire du Rassemblement national aux européennes demeure, en un sens, une surprise par son ampleur.
Avec environ 31,5 % des suffrages, il fait plus du double du score de Renaissance (14,5 %) qui dépasse de peu la liste socialiste.
Le bloc de droite nationale (RN + Reconquête) progresse significativement (il devrait gagner 17 sièges au total, sur 81) – et au détriment du macronisme, pas à celui de la droite dite « parlementaire » (LR perd un siège).
Mais ce score historique du RN cache une autre progression, celle de la gauche : si EELV perd 5 sièges, le PS en gagne 7 et LFI 4.
Sur le plan européen, la droite l’emporte largement.
D’après les premières estimations, le PPE (centre droit), premier groupe du Parlement européen, progresse. Et les deux groupes souverainistes de droite progressent également : ECR de 4 sièges et ID de 9.
Pour l’Europe, la question qui va désormais se poser est celle des alliances : le PPE va-t-il maintenir son alliance historique (et catastrophique) avec le PSE ou s’allier aux autres droites ?
Et, avant cela, comment vont se recomposer les différents groupes de droite ? (Le parti d’Orban pourrait quitter le PPE, le RN et l’AfD allemande devraient se séparer, mais cela laisse ouvertes bien des possibilités.)
Quant à la France, tous les yeux sont désormais fixés sur les prochaines législatives.
Certes, la rumeur d’une dissolution revenait périodiquement, mais Emmanuel Macron a pris tout le monde de court.
Car nous avions beau ne pas vraiment croire Gabriel Attal lorsqu’il annonçait que les européennes n’auraient aucun impact sur la politique française, nous pensions confusément que l’appel récurrent de Jordan Bardella à une dissolution n’avait guère de chance de recevoir une réponse.
Bien sûr, la dissolution était la seule option disponible pour Emmanuel Macron : un énième jeu de chaises musicales gouvernementales n’aurait pas eu beaucoup de sens. Mais c’est une option risquée pour le chef de l’État.
Le bloc centriste s’est considérablement effrité et le clivage gauche-droite a repris tout son sens.
Le PS, qui avait été le premier parti « vampirisé » par l’OPA macroniste de 2017, a repris des couleurs aux européennes.
De toute évidence, Emmanuel Macron veut forcer LR à le rejoindre. Mais, outre que ce parti risque de perdre des sièges aux prochaines législatives, on voit mal quel serait son intérêt à rejoindre pour trois ans à peine une Macronie en chute libre.
Ayons l’honnêteté de le dire : nous entrons dans une zone inconnue – à la fois politiquement et institutionnellement (car c’est la première fois que nous assistons à une dissolution malgré le quinquennat qui, jusqu’à présent, avait toujours donné une majorité au président) et bien des choses sont possibles.
Nous ne savons pas, par exemple, si la Nupes va être restaurée. La campagne européenne a montré de profondes divergences entre la social-démocratie et l’extrême gauche. Ces divergences seront-elles occultées le temps de la campagne législative ou vont-elles éclater ? En tout cas, n’enterrons pas trop vite la gauche (qui, encore une fois, progresse aux européennes).
Mais la principale inconnue est de savoir si le RN d’une part peut obtenir une majorité dans la prochaine assemblée et, d’autre part, s’il sera en mesure de bâtir une coalition et de gouverner : la transformation d’un parti d’opposition en parti de gouvernement n’est pas chose aisée.
En attendant, nous pouvons du moins nous réjouir que la politique redevienne enfin intéressante !
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