Canada : Trump a-t-il favorisé Carney ?
C’est la faute à Trump », les commentateurs n’en démordent pas.
Pour que les Français désinformés de toutes choses d’outre-Atlantique y comprennent quelque chose, rappelons les faits : en janvier, Trump se gausse de Justin Trudeau publiquement (donc devant le monde entier), le désignant comme « le Gouverneur du grand Etat du Canada », laissant entendre qu’il ne voyait pas le Canada comme une nation souveraine mais comme un 51e état américain. Il ajoute à l’adresse des Canadiens déclassés par le socialisme de l’ultra-woke Trudeau qu’ils se porteraient mieux avec un président américain qu’avec un Premier ministre canadien. Et d’énumérer les maux divers du Canada qui, en plus, ne respecte pas ses engagements, ni militaires (OTAN et NORAD) ni commerciaux (dont les provisions du USMCA qui avait remplacé le désastreux NAFTA) avec des droits de douane agressifs infligés aux Etats-Unis, cela de la part d’un pays dit « ami » qui est soutenu à hauteur de 200 milliards de dollars par an par son voisin. Et sans oublier la frontière commune par laquelle Trudeau laissait passer les immigrants illégaux chinois et le Fentanyl…La charge, qui est fondée, s’avère fatale pour un Trudeau très impopulaire qui se retire le 6. Le lendemain, Trump précise cette idée du Canada 51e Etat. Une boutade, bien sûr, mais qu’il se plait ensuite à répéter.
Le Parti Libéral (0% « libéral » et 100% néo-marxiste) organise des élections internes (comme celles du Parti Conservateur anglais imposant Sunak) et Mark Carney arrivé en tête se retrouve PM, sans un seul vote populaire mais fort du soutien du marécage mondial auquel il est intimement lié depuis le début de sa carrière, ce qui n’est pas rien. Finement conseillé donc, et malin lui-même, ce banquier central, technocrate mondialiste typique, fanatique de la taxe carbone, des interdits du Covid et de la répression des peuples, ne diffère en rien de Trudeau dont il a été l’un des conseillers, si ce n’est en style. Encore que lui et sa femme, l’économiste et militante d’ultra-gauche Diana Fox, forment ce que l’on appelle un « Power couple » et que l’une de leurs quatre filles, Sasha, est fièrement trans.
Donc, les Carney sont impeccablement woke, eux aussi.
On sait la suite. Habilement, Carney lança une élection anticipée, prenant de court Poilièvre qui courait pour octobre. Comme lorsqu’il alimentait la peur collective contre le Brexit à l’époque où il était Gouverneur de la Banque d’Angleterre Carney reprit, cette fois-ci avec succès, la même campagne (Campaign Fear) contre le danger existentiel pour le Canada que représentait l’Ogre Trump au sud des Grands Lacs. Danielle Smith, Gouverneur de la Province conservatrice de l’Alberta, tomba la première dans ce piège grossier, suppliant Trump de retirer sa « menace ». Poilièvre, dont on apprit sur le tard qu’il était un conservateur de nom seulement, fit une campagne terne sans jamais dédramatiser l’atmosphère et sans sembler comprendre qu’il allait faire les frais de l’opération. Un Trump canadien, il n’est pas.
Alors, quelques réflexions s’imposent.
Tout d’abord, nos amis canadiens sont-ils en majorité si bêtes ? Ou sont-ils en majorité si à gauche ? Ce qui, à la réflexion, revient au même. Il est évident que l’ADN canadien a été modifié par 10 années de wokisme exacerbé, de désinformation et de rapprochement avec l’Union européenne (arrogance et mauvaise foi identiques) sans compter que le Québec vote à gauche traditionnellement, et cette fois-ci pour un technocrate qui ne maîtrise même pas le français et n’a que faire des préoccupations linguistiques et culturelles québécoises. Les émotions et le ridicule l’ont emporté sur la raison et le Canada a raté l’occasion de revenir au bon sens économique et moral, occasion qui peut ne pas se représenter de sitôt.
En attendant, la guerre culturelle qui divise les peuples à l’intérieur de chaque nation divise aussi les peuples en blocs opposés les uns aux autres et toute l’Anglosphère est pour le moment unie avec l’UE contre l’Amérique. L’épisode a démontré qu’il faut un chef charismatique et un peuple prêt pour qu’un pays reprenne son destin en main.
Notons que Trump s’est bien gardé de faire un commentaire qui aurait pu renverser la vague. Sans doute parce qu’il sait cela et aussi parce que quel que soit son PM, socialiste dur ou conservateur mou, le Canada viendra à la table des négociations comme les Européens.
Quant à une annexion pure et simple, c’est oublier que Trump n’agit pas comme Poutine. Il ne va pas envahir des territoires étrangers et les annexer de force. Si ses extrapolations sur le Groenland et Panama prenaient forme, ce serait après consultations, négociations et consentement des populations. Un Canada 51e Etat et un DubaÏ israëlien à Gaza tiennent plus du rêve éveillé.
Est-ce à dire que nous soutenons Trump en tout ce qu’il fait ? Non.
On peut légitimement et sans déloyauté avoir des inquiétudes sur son équipe de politique étrangère. Certes, Trump a été élu pour en finir avec « les guerres sans fin » mais le clan isolationniste dans son cercle proche sur-interprète ce voeu.
Le WSJ du 1er mai (Behind the Mike Waltz Ouster) cite Tucker Carlson, Donald Jr., sans fonctions, mais aussi Elon Musk, Steve Witkoff, JD Vance et Tulsi Gabbard, tous opposés à l’usage de la force et plus convaincus que Trump de tout pouvoir résoudre par des marchés commerciaux. Gabbard, qui est à la tête de 18 agences de Renseignements et Services Secrets et dont on sait qu’elle est tenue par le réseau du milliardaire libertarien Charles Koch, anti-guerre et pro-marché-quelles-que-soient-les circonstances, est celle que Trump aurait dû remplacer au lieu de retirer Mike Waltz de son poste de Conseiller à la Sécurité Nationale. Le ministère de Gabbard est truffé de Kochiens. Trump peut-il l’ignorer ?
C’est à cause de cette équipe que Trump tourne autour du pot avec l’Iran. Si marché il devait y avoir, ce devrait être APRÈS avoir anéanti l’arsenal nucléaire iranien, pas avant – et le temps presse.
Les choses sont plus difficiles vis-à-vis de la Russie qui, elle, est obscènement pourvue en nucléaire. Le marché des terres rares finalement conclu avec Zelinsky n’est que partiellement satisfaisant et Poutine peut le faire échouer. L’Amérique profonde, consciente de la dette abyssale, est lasse des conflits sanglants et des dépenses extravagantes mais elle est aussi profondément patriote et accepterait sans doute mal de voir son président humilié à l’étranger même s’il réussit si brillamment à l’intérieur.
Et là, on est loin des boutades amusantes sur les voisins.
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