Ce que donnerait la proportionnelle aux législatives
Voici quelques jours (n° 1479), Guillaume de Thieulloy critiquait le choix de la proportionnelle aux élections législatives, mode de scrutin pour lequel les responsables actuels du RN ont les yeux de Chimène.
Or plusieurs simulations ont été effectuées pendant l’été 2024, juste après les élections infructueuses pour le bloc central des 30 juin et 7 juillet derniers.
Elles se fondent sur les règles du scrutin proportionnel qui avaient été appliquées en 1986 : éligibilité à la répartition des sièges sous réserve d’obtenir 5 % des suffrages exprimés dans le département. Les résultats sont étonnants – ou pas –, notamment parce que le RN n’est que légèrement en tête et que ses concurrents maintiennent une position identique à celle consécutive aux résultats des élections législatives de 2024.
Le RN n’est nullement crédité de la majorité absolue, n’obtenant que 222 ou 223 sièges. Certes, il est assuré d’au moins un siège dans chaque département de métropole (y compris à Paris), mais aussi chez les Français de l’étranger. Il obtient ainsi un siège en Corse, dans les Landes ou en Corrèze, mais aussi dans les départements de l’Ouest et même en Seine-Saint-Denis.
Mais la médaille a son revers : la proportionnelle permet à la gauche et à la coalition macroniste de retrouver un siège dans les départements où elles ont actuellement disparu : c’est le cas dans l’Aisne ou dans le Gard (aujourd’hui, 6 sièges sur 6 sont au RN). On ne peut que s’étonner de la part du RN de cet appel à la proportionnelle qui ressuscite ses adversaires dans les départements où il est sérieusement implanté. Mais il faut évaluer les conséquences politiques de cette avancée du RN, qui reste en dessous du seuil de majorité absolue (289 sièges). Cette configuration rendrait la position d’un gouvernement RN fragile, à la recherche d’improbables alliés et à la merci d’une motion de censure. La gauche et les macronistes s’en donneraient à cœur joie pour renverser un gouvernement Bardella.
La gauche – une coalition de type NFP – se maintient, obtenant, selon les simulations, un résultat quasiment identique à celui du 7 juillet 2024 : 191 sièges, soit 4 de plus que le nombre actuel de députés NFP (187).
On notera que, dans l’éventualité d’une proportionnelle, les forces de gauche tendraient à s’unir. À moins d’obtenir 5 % des suffrages exprimés sur un département, les dissidences sont balayées. Mais ce mode de scrutin pourrait ouvrir la possibilité de listes PS autonomes. Si le PS se stabilise à 10 % au niveau national, il pourrait envisager des listes sous son seul logo et acter son éloignement des Insoumis. Mais cela reste une hypothèse, car l’union de la gauche demeure un mythe vivace dans l’opinion.
Quant au bloc central, il resterait troisième : autour de 125 sièges, soit 21 sièges de moins que ceux des actuels groupes Ensemble pour la République, MoDem et Horizons réunis de l’Assemblée nationale. Il n’aurait cependant pas non plus de difficulté à mettre en place une coalition allant des Républicains « centraux » au centre-gauche.
Il y a quand même un perdant : Les Républicains qui se retrouvent avec moins de sièges (une vingtaine et non plus 40), du fait de l’organisation du scrutin à l’échelle départementale. Autrement dit, les baronnies ne pourraient plus résister, car les bons résultats d’un député LR dans une circonscription ne permettent pas d’obtenir des résultats suffisants sur le département. Même avec 5 % des suffrages exprimés, la possibilité d’obtenir un siège n’est plus garantie, notamment dans les départements ayant un faible nombre de sièges.
La proportionnelle pose avec encore plus d’acuité la question de l’avenir des Républicains en les condamnant à la coalition qui n’est plus le choix d’une opportunité, mais la condition même de leur survie.
On comprend que le parti, qui n’a toujours pas de chef, ne soit pas désireux d’instituer un scrutin qui signerait sa mort politique !
Jacques Mayet
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