Entretien avec Arnaud Upinsky sur l’affaire Aubert
1) Pouvez-vous nous rappeler ” l’affaire Aubert ” qui a suscité votre réaction à la cour de cassation?
En vérité, il faut inverser l’ordre des facteurs entre « l’affaire Aubert » et celle de la judiciarisation de la « problématique du masculin générique », lancée par la Cour de cassation nous ayant conduit à devoir lui répondre « en lieu et place » de l’Académie française, déchue de toute légitimité en raison de sa pitoyable « abdication » devant le bureau de l’Assemblée nationale lors de l’« affaire Aubert ».
C’est, en effet, le « Coup de majesté » de la lettre de la Cour de cassation du 20 avril 2017, saisissant l’Académie française d’une demande à statuer sur un point de grammaire le plus infime d’apparence, mais en réalité d’intérêt décisif pour sa survie – « l’intangibilité de la règle d’application du genre masculin générique aux titres et aux fonctions publiques » ! – qui est le point de départ de cette contre-attaque inouïe constituant l’événement linguistique le plus important qui soit, depuis qu’en 1635 Richelieu donna précisément pour mission à l’Académie française de fixer et de sauvegarder la langue française « À L’IMMORTALITÉ ».
L’« affaire Aubert », ouverte lundi 7 octobre 2014, à l’Assemblée nationale, est donc celle de l’abdication de l’Académie française dont résulte notre mandat académique à agir. Ce jour-là, en effet, c’est au nom du « bon usage académique » que le député du Vaucluse s’était obstiné à appeler « Madame le président » la socialiste Sandrine Mazetier, assurant la présidence de l’Assemblée, qui lui avait répliqué : « Monsieur la députée, vous étiez la dernière oratrice inscrite. » « Ce n’est pas l’Académie française qui fixe les règles de l’Assemblée nationale, c’est le bureau », avait fini par trancher Claude Bartolone, président de l’Assemblée, le lendemain. Et le député respectueux de la règle académique s’était vu sanctionné d’un quart de son indemnité parlementaire : soit 1378 euros. Fort de son bon droit, Julien Aubert pensait qu’il serait défendu par l’Académie française. Soutenu par l’ultimatum adressé par 140 députés de l’opposition à Claude Bartolone, il lancera même un appel aux Français. Il contre-attaquera et engagera une action en justice jusqu’à la CEDH, lorsque le tribunal administratif se sera déclaré incompétent.
2) Comment avait réagi l’Académie française à ce viol de la langue française?
C’est alors que l’inimaginable s’est produit de la part d’une Institution vouée à « donner des règles certaines à la langue française » (Article XXIV des statuts). A l’inverse de toute attente, le pire couperet fut celui de l’Académie française. Il tombera dès le 10 octobre 2014, trois jours plus tard, lorsque la Déclaration précipitée de l’Académie permettra à la presse, goguenarde, de titrer triomphalement au seul profit des ennemis de la langue française : « “Madame le Président” : l’Académie donne raison à Sandrine Mazetier ». Et le 5 décembre 2017, le Président de l’Assemblée LaREM, François de Rugy, pourra surenchérir en jetant à la face des « réfractaires », comme article de loi, cette flagrante violation de la règle – à savoir : « “Madame la députée”, “la présidente” : l’Assemblée continuera la féminisation des titres et fonctions » ! – sans provoquer la moindre protestation de l’Académie française !
C’est par sa déclaration du 10 octobre 2014 que l’Académie française – en vérité la deuxième Académie refondée en 1803, après sa suppression en 1793 – a formalisé son abdication en désavouant le député UMP, Julien Aubert, qui s’était en vain réclamé de son autorité, ce lundi 7 octobre 2014. Dans cette déclaration, elle inaugura, en effet, un « double langage » réglementaire en rappelant le respect dû à la règle du masculin s’imposant pour les titres et fonctions officielles, mais, « en même temps », en autorisant également les « intéressées » à utiliser la forme du « féminin » « dans la vie courante ». Et c’est ce « double régime » du masculin « ou » du féminin laissé au bon plaisir des intéressées, source de chaos impraticable, qui est à l’origine de la saisine de la Cour de cassation.
Entre le respect de la mission dont elle se réclame fièrement, et sa lâche soumission au dictat du Pouvoir législatif comme du Pouvoir exécutif, par le crime contre la langue inhérent à sa déclaration du 10 octobre 2014 – prétendant qu’« elle a en quelque sorte libéré l’usage » (sic) –, l’Académie française a donc fait le choix de la soumission, du déshonneur et de la trahison de ses statuts hérités de Richelieu, choix valant à n’en pas douter récusation et déchéance de souveraineté ! Voilà le comble de l’abdication de l’Académie s’exprimant dans ce refus obstiné de dire le droit ; dans cette non-assistance à la victime qui en appelle au respect de son autorité ; dans ce sinistre déni de justice ; dans ces tragiques manquements au devoir le plus sacré.
Refuser d’acter cette abdication, et d’en tirer toutes ses conséquences, eût été une deuxième trahison de l’intelligence, pire encore que la première car elle interdirait à jamais tout espoir de voir laver cette infamie, à l’image de ce qui fut accompli après la suppression de l’Académie française, en 1793. Une telle abdication eût été l’abandon d’assurer la continuité de sa mission d’Immortalité. Voilà toute la raison d’être, de facto et de juré, de notre « Réponse de l’Académie française à la saisine de la cour de cassation du 20 avril 2017 » en lieu et place de l’Institution déchue de Richelieu.
3) Sur quelles bases avez-vous répondu à la cour de cassation?
Dans le cadre de la judiciarisation en cours, je ne peux faire mieux que citer notre Réponse : ” C’est pourquoi, considérant que la deuxième Académie vient d’abdiquer de facto, comme dut le faire la première Académie de jure, ce qui fait un précédent ; considérant que l’Académie française vouée par ses statuts « À L’IMMORTALITÉ » ne saurait manquer à sa mission pérenne par accident ; considérant que la hiérarchie des normes – Article 2 de la Constitution de la République française ; Statuts de Richelieu ; Juridiction de l’Académie française avec Vaugelas pour « référence suprême » ; corpus de l’Académie, incluant ses derrières déclarations et textes académiques, avec son constat que « la langue française se trouve désormais en péril mortel » ( Déclaration du 26 octobre 2017)– est le fondement nécessaire et suffisant pour répondre à la saisine ; et considérant donc l’ensemble de tous les éléments intéressés, la décision s’est imposée à « la plus saine partie de l’Académie », d’y remédier selon la règle du « bon usage » de Vaugelas.
Aussi, prenant acte de toutes ces raisons « comminatoires », « la plus saine partie de l’Académie », fidèle aux statuts, ne se résignant pas au spectacle de l’abdication actuelle de l’Académie – à raison de l’abus de droit imposé par son actuel Secrétaire perpétuel, et par-dessus tout du danger en résultant pour la langue française « en péril mortel » –, nous a donné mandat à agir en lieu et place de l’Académie empêchée, pour ne pas manquer à la continuité de sa mission. Mesure d’exception s’imposant d’urgence, dans l’attente d’une restauration ou d’une renaissance de l’Institution de Richelieu, si la nécessité d’une troisième Académie s’imposait à raison même de son sceau frappé « À « L’IMMORTALITÉ » !
Tel est le cinquième constat de l’acte de salut public de « la partie la plus saine de l’Académie », nous donnant mandat, en lieu et place de sa juridiction, d’assurer la continuité de sa mission pour dire à la Cour de cassation « l’usage rigoureux de la langue » et condamner sans appel – en son nom et comme contraire au « bon et bel usage » – « la pratique d’un double régime du masculin et du féminin laissé au choix des intéressées », « au sein de la fonction publique et du corps judiciaire », afin de mettre un terme au chaos qu’il entraîne. Telle est la double justification, s’exprimant en maximes, de notre qualité à agir en réponse à la Saisine de la Cour de cassation : « Necessitas legem promulgat », car nécessité fait loi et, pour répondre à l’exigence d’immortalité frappé au revers de son sceau, « L’Académie est morte, vive l’Académie ! » ”
4) Avez-vous reçu des réactions à votre lettre?
En soi, au regard de tous les fondements du Droit, de la Constitution de la République, des Statuts de l’Académie, de la « référence suprême » de Vaugelas ; du fait que « le gouvernement n’a pas non plus tenu compte [de la loi de la langue ], alors qu’aucun texte ne lui donne le pouvoir de modifier de sa seule autorité le vocabulaire et la grammaire du français » et que « Les compétences du pouvoir politique sont limitées par le statut juridique de la langue, expression de la souveraineté nationale » ; du motif de judiciarisation « de la problématique du genre » par la plus haute juridiction judiciaire, ; pour toutes ces raisons, le verdict de la « Réponse de l’Académie française » est désormais « incontournable » et par là « invincible » si l’Etat de Droit prévaut !
Au vu de toutes les raisons comminatoires en jeu, il paraît impensable, dès lors que l’injustice est publiquement rendue visible, que la Cour de cassation chargée du respect de la forme et de l’unité de droit abdique devant l’impossibilité « technique » d’un « mauvais usage » chaotique, rendant illisible la « loi organique » la régissant ! En soi il ne saurait y avoir deux usages admissibles, le bon et le mauvais, en droit comme dans la langue, ainsi que le proclame Vaugelas : « Il y a sans doute deux sortes d’usages, un bon et un mauvais. Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes qui presque en toutes choses n’est pas le meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la pluralité mais de l’élite des voix, et c’est véritablement celui que l’on nomme le maître des langues, celui qu’il faut suivre pour bien parler et pour bien écrire en toutes sortes de styles ».
C’est pourquoi, à ce jour, les premiers retours, spécialement de la « plus saine partie de l’Académie » sont plus qu’excellents. Pourtant, il est encore trop tôt pour savoir quelle position « officielle » prendra « Monsieur le premier président » qui nous a demandé d’attendre.
5) De façon générale, comment jugez-vous l’attitude des “élites” à l’égard de la langue française?
Le 5 décembre 2013, dans son discours « À la reconquête de la langue français », l’Académie française a identifié trois menaces : l’effondrement de l’enseignent du français à l’école, « la langue anglaise qui insidieusement la dévore de l’intérieur » et « nos élites qui en font un usage affligeant ».
Mais c’est une grave, erreur en ce qui concerne ces dernières ! Il ne fait pas, en effet, confondre les élites, regroupant ceux qui sont reconnus comme les meilleurs, et les apparatchiks, ces prédateurs qui ont colonisé toutes les institutions – pour notre perte et celle de la langue française – du sommet de l’Etat à l’Académie française dont la trahison de la langue française est la meilleure illustration.
Les élites, ce sont ceux qui vont rejoindre notre combat de survie engagé dans cette affaire criminelle contre la langue française, c’est-à-dire contre la Nation, comme Maurice Druon l’a si bien proclamé dans sa figure emblématique : « l’Académie française, l’expression la plus haute de l’identité de la nation et comme l’incarnation de la France ».
Aujourd’hui, l’élite, c’est le corps combattant de ceux qui vont enfin s’attaquer à cette arme sémantique subliminale qui est l’angle mort, le principe de la destruction de la langue française, de l’intelligence collective des Français et de la France ; de ceux qui n’acceptent plus d’être gouvernés par les prédateurs de leur langue et de leurs valeurs ; de ceux qui vont enfin déclarer la guerre à ce « féminisme d’Etat », s’avançant masqué pour semer le chaos dans leur outil de discernement, et oser retourner l’arme sémantique invisible contre les destructeurs du « modèle français ».
La conclusion de la « Réponse de l’Académie » fixe en ces termes l’acte d’« héroïsme judiciaire » incombant désormais à la Cour de cassation à raison même de sa saisine : ” Le 20 avril 2017, la saisine de l’Académie française, la juridiction suprême chargée de la sauvegarde du « bon et bel usage » de la langue française, par « la juridiction suprême chargée d’unifier le droit », avait fait apparaître la Cour de cassation comme le dernier rempart de « l’usage correct de la langue » française. Mais aujourd’hui, dans cette saisine de l’Académie française adressée en retour à la Cour de cassation, pour qu’elle garde sa ligne de défense de l’intangibilité du paradigme du « genre masculin générique », comme fer de lance de la « Défense de la langue française » ; et pour qu’elle obtienne ainsi ce retour à l’Etat de Droit qui s’impose, comme impératif de salut public pour triompher de l’actuelle « fracture grammaticale et linguistique », valant « fracture constitutionnelle et démocratique » du Pacte Républicain ; l’avenir de la langue française apparaît désormais indissociable de la gloire de la Cour de cassation, frappée à l’aune de l’héroïsme de son « Coup de majesté » sans précédent dans l’histoire, la vouant à maintenir l’unité de la langue française dont dépend celle du Droit et du lien indéfectible de la République « À L’IMMORTALITÉ [1]» ! ”
Demain, dans son offensive à la Reconquête de l’Etat de Droit contre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif, s’étant mis hors la loi, nous saurons si Monsieur le premier président de la Cour de cassation est de ce corps d’élite dont la France a le plus grand besoin, en soumettant la République aux lois de la grammaire rappelées par Molière :.
« Quoi, toujours malgré nos remontrances,
Heurter le fondement de toutes les sciences ;
La grammaire qui sait régenter jusqu’aux rois,
Et les fait la main haute obéir à ses lois ? [2]»
Hors de la déclaration de guerre au « féminisme d’Etat », castrateur du cerveau, au triple génocide sémantique – nature, genre et langue – et de la Reconquête de la langue française, pas de Salut !
Arnaud-Aaron Upinsky, 5 février 2019
Président de l’Union Nationale des Ecrivains de France (UNI
[1] « Dites désormais « Madame LE juge : c’est la Loi ! » :http://upinsky.work/
« Réponse de l’Académie française à la saisine de la cour de cassation du 20 avril 2017 » :
http://upinsky.work/wp-content/uploads/2019/01/LETTRE-DE-LUNIEF-A-LA-COUR-DE-CASSATIONlUNIEF-du-13-janvier-2019-FFFZ-1.pdf
[2] Les femmes savantes, V. 463 à 466.
Comments (5)
Au risque de répéter un argument qui a certainement déjà été dit, je trouve que la raison est violemment agressée par la contradiction suivante : ce sont souvent les mêmes personnes, qui exigent que l’on ne distingue plus les sexes quand on nomme ‘père’ et ‘mère’, et celles qui exigent qu’on distingue les sexes quand on s’adresse à une personne qui occupe une fonction publique. Père et mère devraient maintenant être nommées ‘parent 1’ et ‘parent 2’ ou peut-être ‘parent 2’ et ‘parent 1’. Pensez à la bataille de Poitiers revue et corrigée par les politiquement corrects ‘parent 1’ euh… ‘parent 2’ gardez-vous à gauche, gardez-vous à droite !
Féminiser le titre quand le porteur du titre est une femme introduit des complications inutiles et coûteuses (changement du papier à lettre, changement de courrier en cours de procédure à la suite du remplacement d’un titulaire par un titulaire de l’autre sexe etc…
Je n’insiste pas tout à déjà dit. C’est absurde !
Dans le genre – si l’on peut dire- rappelez vous de l’interview grotesque d’un LGBTetquoi d’autre, passant sur You Tube, dans lequel un ahuri complet ouvertement de sexe masculin répond à l’interrogateur “et qui vous dit que je suis” un homme. Comme il aurait dit qui vous dit que je ne suis pas un chat. Et dire qu’il faut composer avec ces tartuffes.
Une minorité de sexe indéfini au cerveau déficient empoisonne la majorité des Français avec des demandes farfelues; il est à se demander s’ils ne sont pas favorisés par nos “élites” car cela permet de masquer en partie les grands problèmes à traiter.
On est revenu à Bysance discutant du sexe des anges au moment de sa disparition.
Bravo
Vive la France
Rien de nouveau, l’Académie Française s’était déjà ridiculisée lamentablement devant le piratage du mot mariage.
Depuis c’est le gouvernement qui fixe le sens des mots, comme prévu par Orwell.