État de droit et démocratie

État de droit et démocratie

À la suite d’une déclaration du ministre de l’Intérieur sur la manière d’appréhender la notion d’État de droit, une vive polémique est née mobilisant le ban et l’arrière-ban du Tout-État.
Il est reproché à Bruno Retailleau rien moins que d’avoir remis en cause la notion d’État de droit, parce qu’il a préconisé d’ouvrir le jeu en la matière. Et l’on va voir qu’il y a derrière tout cela un enjeu de pouvoir considérable.
Qu’est-ce que l’État de droit ? C’est une idée devenue au fil du temps, dans les sociétés occidentales, une exigence, avec la mise en place d’un cadre juridique composé de normes estimées intangibles, situé au sommet de l’ordonnancement juridique et appelé à l’irriguer. De ce cadre, l’intelligentsia a entendu faire un sanctuaire et établir qu’il y a un lien consubstantiel entre État de droit et démocratie. Si l’on touche à l’État de droit en émettant des idées qui dérogent à la doxa qu’il recèle, c’est la démocratie qui est attaquée. Telle est l’orientation des critiques à l’encontre de la position de fermeté adoptée par Retailleau, laquelle peut effectivement marquer un infléchissement de l’État de droit vers l’intégration des attentes plus restrictives des citoyens sur ce registre.
Au plan technique, l’État de droit se matérialise par l’ensemble des normes supra-légales réunies au sein du préambule de la Constitution. Au départ, il y a eu la validation par le référendum d’approbation du projet de Constitution en septembre 1958 de textes fondateurs avec les diverses Déclarations des droits et, par la suite, un enrichissement de ce bloc initial par la jurisprudence et Conseil constitutionnel avec l’identification de divers principes à valeur constitutionnelle à partir de 1971.
Que fait Bruno Retailleau ? Il considère que l’État de droit (lequel est en même temps une exigence, une idée et un instrument d’organisation de la société) peut voir son contenu complété par l’exercice de la volonté générale via le référendum. Cette opération n’est rien d’autre que donner toute sa portée à la souveraineté nationale. L’État de droit n’est pas un monde fini, mais un cadre susceptible d’évolution. Bien sûr que l’État de droit est connecté à la volonté générale et qu’il doit, de ce fait, en reproduire les mouvements, voire les crispations et les élans. En faisant ce rappel, M. Retailleau se contente de remettre le peuple en selle. C’est ce qui explique que, de tous bords, notamment dans le monde judiciaire, les critiques les plus virulentes aient fusé. L’intéressé entend redonner voix au chapitre aux citoyens sur ce sujet essentiel, ce que le microcosme parisien n’accepte pas.
En effet, que constate-t-on depuis de lustres ? Aucun référendum n’est intervenu pour permettre aux Français d’enrichir le bloc de constitutionnalité de règles correspondant, chez eux, à des attentes fortes (la préférence nationale par exemple, mais aussi, au niveau européen, le renforcement du principe de subsidiarité, de sorte que la prévalence écrasante du droit communautaire soit atténuée).
L’oracle autorisé en matière de pilotage de l’État de droit, c’est aujourd’hui le Conseil constitutionnel. Le progressisme qui imprègne la pensée de l’oligarchie régnante – mondialisme sans limite, européisme béat, France open-bar – y trouve son compte.
Notre État de droit tant vanté est un État de droit sous la surveillance sourcilleuse de la rue Montpensier, comme l’a montré le refus de référendum sur l’immigration (n° 1441) et sous influence des puissants. C’est un État de droit immobile parce que cela doit en être ainsi selon l’État profond. C’est un État de droit figé (n° 1448) en ce qu’il refuse d’intégrer les attentes de la volonté générale.
Qu’a fait Bruno Retailleau ? À travers son propos, il a dénoncé, même si c’est indirectement, le caractère à bien des égards factice de notre démocratie et, par là, menacé la position de pouvoir exorbitante du complexe politico-administratif hégémonique qui étouffe la France et l’égare. En considérant que l’État de droit n’est pas intangible, il ne fait que préconiser que le bloc de constitutionnalité s’ouvre enfin aux revendications de la volonté générale. Il faut reconnecter l’État de droit à celle-ci, tel est le sens de ce message salutaire.

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