Gouvernement mort-né
Le chaos politique et institutionnel n’en finit pas de s’aggraver.
Un gouvernement Lecornu II a été nommé dimanche 12 octobre dans la soirée et doit franchir son premier obstacle mardi 14 dans l’après-midi avec le discours de politique générale du Premier ministre.
D’ores et déjà, les chances de survie de ce « nouveau » gouvernement sont minces : le RN et LFI ont immédiatement déposé une motion de censure et, si LFI s’interdit (en vertu du sacro-saint « sectarisme révolutionnaire » sans doute !) de voter une motion de censure en provenance du RN, l’inverse n’est pas vrai.
Si l’on ajoute que le groupe UDR d’Éric Ciotti va sans doute voter avec le RN et les groupes écologiste et communiste avec LFI, une motion de censure réunirait donc déjà plus de 250 voix (264 si ces cinq groupes votent ensemble).
Cela ne permet pas encore à la motion de censure d’être adoptée (il faut pour cela la majorité absolue, soit 289 voix). Mais on voit mal comment le groupe socialiste pourrait sauver à lui seul ce gouvernement mort-né.
Par ailleurs, après une longue valse-hésitation, LR a refusé de participer au gouvernement – et a exclu instantanément les six LR qui ont, malgré cela, rejoint Sébastien Lecornu.
Enfin, au sein même du bloc central, les critiques se font de plus en plus nettes contre le chef de l’État (Gabriel Attal dit tout haut son incompréhension, et lui demande de partager le pouvoir, tandis qu’Édouard Philippe lui a même demandé de démissionner).
Dans ces conditions, la moindre turbulence pourra être fatale à ce gouvernement – en sursis avant même d’être entré en fonction. Comme le déclare avec un brin de cruauté Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée, aux nouveaux (?) ministres : « Ne déballez pas trop vite vos cartons. »
La question n’est donc plus si le gouvernement va tomber, mais quand – et, en particulier, s’il aura eu le temps de présenter et faire voter le budget.
En tout cas, le président pourra difficilement échapper à la dissolution – qui entraînera probablement une victoire du RN.
Dans ce dernier cas, Emmanuel Macron sortirait de la nasse pour pousser à son tour les dirigeants du RN dans un autre piège – car un gouvernement de cohabitation ne pourra pas mener une politique de rupture.
En 1986, plusieurs observateurs avaient demandé à la coalition RPR-UDF de refuser la cohabitation pour contraindre François Mitterrand à la démission, ce qui nous aurait évité des décennies de socialisme (sous étiquette RPR ou PS). Seront-ils entendus 40 ans plus tard ?
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