Hommage aux harkis (version intégrale)
Le 25 septembre dernier sera célébré « la journée nationale d’hommage aux Harkis ».
Parlons de nos 100 à 150 000 Harkis, (en comptant les membres de leurs familles), que le gouvernement français de 1962, pour ne pas dire De Gaulle, a livré désarmés aux mains des égorgeurs du FLN. Quelques officiers courageux ont réussi, avec des complicités sur place, à en rapatrier en métropole. Très peu sont arrivés par leur propres moyens mais, ceux-là seront rembarqués en direction de l’Algérie où les attendaient la torture et la mort. Voilà comment De Gaulle remerciait ceux qui avaient été fidèles à la France.
Le 30 aout 2001deux avocats français déposaient une plainte contre X pour « crimes contre l’humanité ». Cette plainte visait les républiques algérienne et française pour leur comportement à l’égard des Harkis. Le 25 septembre 2001 une journée d’hommage national aux Harkis était organisée et le président Chirac recevait leurs représentants à l’Elysée. Aujourd’hui on leur rend hommage chaque 25 septembre et ce n’est que justice. Disons un mot de ces oubliés de ‘l’histoire ».
C’est l’ethnologue Jean Servier qui organise dès 1954 la première Harka pour défendre la petite ville d’Arris, dans les Aurès. Un Harki est un supplétif sous contrat recevant une modique solde. Pierre Mesmer, ministre des Armées, déclarait lors des préparatifs des accords d’Evian : « la volonté de la France est de ne les abandonner en aucune manière ». La suite est connue : on désarme les Harkis. Puis, les sévices et les assassinats commencent en été et en automne 1962. Les supplices qui précèdent la mort sont d’une cruauté inouïe. Corps ébouillantés, dépecés, enterrés ou brûlés vifs, énucléations, membres découpés en lanières et salés. Des anciens combattants sont contraints d’avaler leurs médailles avant d’être brûlés vifs dans le drapeau français… Selon des témoignages rapportés par Camille Brière : « Certains harkis furent crucifiés sur des portes, les yeux crevés, le nez et les oreilles coupés, la langue arrachée, systématiquement émasculés…D’autres furent dépecés vivants à la tenaille, leur chair palpitante jetée aux chiens… Des vieillards et des infirmes étaient égorgés, des femmes violées puis éventrées, des nourrissons avaient la tête écrasée contre les murs sous les yeux de leur mère… ». Dans un compte-rendu destiné à sa hiérarchie, le sous-préfet d’Akbou, en Kabylie, dresse de façon précise et détaillée la chronique macabre des exactions – supplices, assassinats, viols collectifs, enfermement dans des camps – subies par les Harkis et leurs familles dans sa circonscription après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 jusqu’à la fin décembre 1962. Il note parmi les victimes « la proportion non négligeable de civils qui est de l’ordre d’un tiers, constitué d’élus, de chefs de villages, d’anciens combattants… ». S’agissant d’un rapport officiel, il ne peut être taxé d’exagération. D’autres enfin sont enlevés : ce sont ainsi des milliers de Harkis (et de « Pieds-noirs ») qui disparaissent après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, puis au cours des deux vagues de répression qui interviennent en 1962, et de celles qui interviendront plus tard, jusqu’en… 1966, sans que les autorités françaises, pourtant informées des lieux de leur détention, ne s’en inquiètent. Dans un rapport de mai 1962, monsieur de Saint-Salvy, contrôleur général, a pu écrire : « Les crimes de guerre commis en Algérie depuis le 19 mars 1962 sont sans précédent depuis la dernière guerre mondiale. »
Les Harkis qui eurent la chance de regagner la France, 90 000 environ, furent parqués dans des camps d’internement et ce bagne dura 12 ans. Le 6 août 1975 – enfin ! –, le gouvernement prit quelques mesures pour améliorer leur sort.
Aujourd’hui, la télévision montre des images de « migrants » regroupés dans des camps de fortune…Les People et les hommes politiques défilent entre les baraquements pour dénoncer un accueil indigne. « J’aimerais que ceux qui se révoltent aujourd’hui aient la même réaction pour ce qui s’est passé pour les Harkis » dira, en mars 2015, Jeannette Bougrab, elle-même fille de Harki.
Le massacre de nos Harkis est une honte ! Notons que l’abandon de nos supplétifs algériens est à mettre au compte quasi exclusif de Charles De Gaulle. Ce dernier, il le dira à Alain Peyrefitte, ne voulait pas voir son village s’appeler « Colombey-les-deux-mosquées ».
En débarquant, souvent dans le dénuement le plus total, en métropole, la première surprise des « Pieds-noirs » fut leur découverte de l’humour de notre fonction publique. Arrachés à leur terre natale, débarquant dans un pays qu’ils ne connaissaient pas, ils se virent appeler « rapatriés ». Or, comme dira l’un d’eux : « Ici, la patrie est un vain mot. Nous n’y avons ni nos morts ni nos usages ». Ils auraient préféré être reconnus comme « repliés », ou « déracinés ». D’ailleurs, ces « Français à part entière » furent accueillis en métropole comme des indésirables ou comme des gens suspectés de sympathie pour l’OAS. Le ministre Louis Joxe ne souhaitait « cette mauvaise graine, ni en Algérie, ni en métropole. Il vaudrait mieux qu’ils s’installent en Argentine, au Brésil ou en Australie… ». Comme le dit l’écrivain Jean Brune, le « Pieds-noirs » est : « Un Français à part entière qui, à son arrivée en France, s’est découvert entièrement à part ». L’attitude qui les choqua le plus profondément fut, bien sûr, celle de De Gaulle. Ce dernier devait déclarer, le 4 mai 1962 : « L’intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des Pieds-noirs. » Puis, il fermera la page de l’Algérie française, le 22 juillet 1964, en supprimant le ministère des rapatriés.
Depuis, nos dirigeants font régulièrement repentance au nom de la France, or le peuple de France n’a pas à battre sa coulpe car il ne saurait être tenu pour responsable de l’abandon honteux de l’Algérie française, après une guerre gagnée militairement, ni des atrocités commises par le FLN algérien avec la complicité du pouvoir gaulliste.
En 2017, Emmanuel Macron qualifiait l’œuvre française en Algérie de « crime contre l’humanité ». Rappelons que le « crime contre l’humanité » est une incrimination créée en 1945 par le tribunal de Nuremberg, et établi par la Charte de Londres (art. 6 C). Il désigne une « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ».
Le massacre de nos Harkis et de leurs familles est bien un « crime contre l’humanité » mais, que je sache, il n’est pas imputable aux défenseurs de l’Algérie française.
Ceux qui voulaient que l’Algérie reste française étaient tout simplement des visionnaires.
Le bradage honteux de l’Algérie et du Sahara, avec ses immenses réserves de gaz et de pétrole, marque aussi la fin de notre autosuffisance énergétique, sujet ô combien brûlant en ce moment.
Ceux qui contestent la notion même de « remplacement de population » devraient méditer la citation prémonitoire que Houari Boumediene fit en 1963 : « Après l’Algérie française viendra le temps de la France algérienne ; nous vaincrons ce pays par le ventre de nos femmes ».
Nous étions prévenus, mais nos dirigeants politiques, souvent par clientélisme électoral, ont préféré pratiquer la politique de l’autruche : la tête dans le sable et le cul à l’air, prêts à subir les derniers outrages.
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