Le gouvernement des juges contre Marine Le Pen
Le verdict du procès dit « des assistants parlementaires du RN », le 31 mars, a fait l’effet d’une bombe.
J’avoue que je n’étais pas vraiment convaincu par les discours lénifiants selon lesquels « les juges n’oseraient pas » aller aussi loin et priver la présidente du principal parti de France de la possibilité de se présenter aux prochaines présidentielles.
Il me semblait, au contraire, qu’il n’y avait aucune raison pour qu’ils ne manifestent pas avec éclat leur domination.
Le « gouvernement des juges » avait déjà empêché François Fillon d’accéder au deuxième tour en 2017. Il avait condamné Nicolas Sarkozy – et menaçait même de le condamner à nouveau à sept ans de prison ferme dans l’affaire du financement libyen.
Rappelons au passage que ces financements libyens demeurent toujours une simple hypothèse. Hypothèse crédible, certes, entraînant sans doute l’intime conviction des magistrats mais cette intime conviction est bien fragile pour entraîner une telle condamnation, spécialement pour un tel inculpé.
On voit donc mal pourquoi les juges auraient hésité à appliquer la loi dans toute sa rigueur dans le cas de Marine Le Pen.
Naturellement, dans ce jugement, ce qui est scandaleux n’est pas tant l’amende, ni même la peine de prison avec sursis que plusieurs élus et cadres (anciens et actuels) du RN ont reçue (ils sont 23 condamnés), mais bel et bien la peine d’inéligibilité immédiatement applicable – c’est-à-dire pour laquelle l’appel n’est pas suspensif (prétendument pour éviter la récidive !).
Une nouvelle fois, nous constatons que les parlementaires votent des lois sans songer aux conséquences. Car, enfin, cette peine d’inéligibilité systématique en cas de condamnation à une peine de prison dans une affaire de détournement de fonds publics et la possibilité de la rendre applicable même en cas d’appel ont bien été votées. L’essentiel de la classe politique dénonce aujourd’hui le coup de force des juges, mais qui leur a donné cette arme ?
Le gouvernement des juges, c’est d’abord l’absence de gouvernement des hommes politiques.
Ceci étant, que peut-il désormais se passer au sein du RN, de la droite et, plus généralement, pour la politique française ?
Selon toute vraisemblance, les condamnés vont faire appel, ce qui n’empêchera pas la disqualification de Marine Le Pen pour 2027. Jordan Bardella prendra sans doute la relève.
Du point de vue des faiblesses, le jeune président du RN a clairement moins d’expérience que Marine Le Pen, ce qui pourrait lui coûter cher (nous l’avons vu lors des dernières législatives).
Côté atouts, il « hérite » d’un appareil partisan puissant et a plusieurs fois laissé entendre qu’il était bien plus favorable à l’union des droites que sa « patronne ». Sera-t-il capable d’en faire une réalité ? L’avenir le dira.
En attendant, il y a fort à parier que le RN constate aujourd’hui amèrement les limites de sa stratégie de dédiabolisation et même de connivence – rappelons que le RN a permis à Richard Ferrand, très proche d’Emmanuel Macron, de devenir président du Conseil constitutionnel (et beaucoup de commentateurs supposaient que ce curieux soutien était la contrepartie d’une négociation dont le sort judiciaire de Marine Le Pen aurait été l’élément principal).
On voit mal pourquoi, dans ces conditions, le parti à la flamme continuerait à soutenir le fragile équilibre parlementaire actuel.
La censure, puis une nouvelle dissolution (si tous les gouvernements tombent en quelques semaines, comment Emmanuel Macron pourrait-il éviter de réitérer cette dissolution, dont il a pourtant convenu qu’elle avait été une erreur ? !!) ont de fortes chances d’être les conséquences de cette condamnation.
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