Le Pari(s) risqué de Rachida Dati
Elle ne s’en cache pas et fait tout pour : Rachida Dati, ministre de la Culture et maire du 7e arrondissement, vise l’Hôtel de Ville de Paris qui sera le « coup » de sa vie.
Sa démarche est originale car, outre le souhait de faire à nouveau campagne personne contre personne, ce qu’elle avait réalisé en 2020 en imposant un match contre Anne Hidalgo, Rachida Dati a aussi manœuvré pour que le mode de scrutin parisien soit modifié.
Avec succès car, malgré l’opposition du Sénat, animée en fait par la crainte de certains sénateurs parisiens de perdre leur siège à la prochaine élection sénatoriale, la loi a été adoptée à l’Assemblée nationale, notamment grâce au soutien des Insoumis et du RN qui voient aussi leur intérêt dans cette réforme.
Il ne reste plus que la décision du Conseil constitutionnel pour que la loi soit promulguée.
Le calcul de Dati est le suivant : pour prendre l’Hôtel de Ville, il faut un mode de scrutin qui permet au candidat qui a tout simplement le plus de voix sur tout Paris de gagner.
En effet, à quelques reprises depuis 2001, la droite parisienne a pu être en tête en nombre de suffrages sans pour autant gagner Paris. Car, dans l’état actuel de la législation, il faut conquérir plusieurs gros arrondissements, notamment les 12e et 14e arrondissements de Paris. Or, la progression de la gauche depuis 2001 rend impossible la reprise de ces arrondissements, et s’en remettre à des triangulaires qui feraient perdre le PS parisien, quand bien même les Insoumis susciteraient une vive répulsion, est aléatoire. Le grignotage de la gauche a bien progressé à Paris : les arrondissements de droite sont fragiles, à l’instar du 15e ou du 17e, même si leurs équipes maillent le terrain.
La réforme du scrutin est simple : tout en laissant une élection au sein de chaque arrondissement, les conseillers de Paris – c’est-à-dire, les élus qui désignent le maire de Paris – seront désormais élus dans le cadre d’une liste parisienne et non au sein de chaque arrondissement.
Aujourd’hui, ce sont les premiers élus de la liste qui a gagné ou conservé l’arrondissement qui siègent au Conseil de Paris.
Le changement est considérable, car un candidat portant les couleurs politiques d’un ou plusieurs partis aura la main sur la composition de la liste et pourra même privilégier tel ou tel arrondissement.
La réforme a été critiquée, certains objectant un risque de déconnexion avec des élus siégeant à l’Hôtel de Ville sans avoir été élus dans un arrondissement, même si la loi électorale permet d’être candidat dans l’arrondissement et dans la liste parisienne. Au passage, le procès en déconnexion pourrait s’appliquer à certains conseillers de Paris, peu assidus au sein de leur arrondissement …
Pour autant, même si on peut être en tête au premier tour, il faut souligner qu’il reste un second tour – à moins d’obtenir la majorité absolue au premier – et que la gauche dispose de réserves électorales. Cependant, cette dernière est divisée.
Emmanuel Grégoire, le terne candidat qui portera les couleurs du PS en 2026, a été désigné par un nombre dérisoire de militants (1 534 votes), loin des époques où les partis à Paris pouvaient rassembler 20 000 électeurs lors d’une élection interne.
La candidature de Dati fait peur : une partie de la droite parisienne, menée par les maires d’arrondissement de droite et ses sénateurs, a apporté son soutien à Michel Barnier qui se présente dans une circonscription où le poulain de Dati a vu son élection annulée en raison du rejet de ses comptes de campagne.
Face à l’annonce de Barnier, Dati a réagi en annonçant sa candidature dans une circonscription qui comprend une grosse partie du 7e arrondissement. Une élection avant l’élection …
Une enquête donne Dati favorite : elle ferait 33 % des suffrages contre 30 % pour la gauche et 28 % pour Barnier. La campagne a pris une tournure particulière, Dati soupçonnant ses adversaires d’avoir appelé Barnier.
Bref, à Paris, la rentrée sera chaude. Pour ne pas dire brûlante.
Jean-François Mayet
Politologue
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