Le Sénat et le budget 2026
Ce n’est pas la première fois que le Sénat examine intégralement le budget. Mais c’est bien la première fois qu’il l’examine dans un laps de temps aussi court.
Et cette fois-ci, non après un recours au 49-3, mais tout simplement parce que l’Assemblée nationale avait refusé la première partie de ce texte – il est vrai gonflé des taxes votées par le RN et les Insoumis.
Quand un texte est rejeté par une assemblée, c’est donc la version du gouvernement qui revient sur le tapis. Cependant, le Sénat lui-même n’apparaît pas comme un front uni.
Tout d’abord, le principal groupe politique du Sénat, les Républicains, a proposé des amendements, dont certains sont « dans l’air du temps », comme celui relatif à l’« impôt sur la fortune improductive » (sic). Dans un contexte marqué par les débats sur la taxe Zucman, il ne faut pas donner l’impression que l’on est du côté des « possédants ». Même au Palais du Luxembourg, l’idéologie pèse un peu, et pas seulement à gauche…
Mais le Sénat a maintenu ses exigences. Exit donc l’application aux communes du « Dilico », ce mécanisme d’épargne forcée imposée aux collectivités locales. Gérard Larcher avait mis tout son poids dans la balance pour éviter ce qui apparaît comme une forme d’infantilisation à l’égard des élus locaux.
Cependant, tout cela s’est fait rapidement, et même un peu trop. Normalement, la discussion budgétaire suppose un certain temps entre l’examen des avis budgétaires sur les crédits en commission et l’examen en séance publique. C’est la partie « dépenses ». En effet, les dépenses du budget de l’État sont ventilées selon des « missions » : Agriculture, Culture, Pouvoirs publics, etc.
Normalement, il s’écoule quelques semaines entre le travail des commissions du Sénat et la discussion en séance publique. Mais pas cette fois-ci avec une deuxième partie de la loi de finances préparée en un temps record.
La semaine du 1er décembre était dédiée à un important travail des commissions, alors que l’examen de la première partie de la loi de finances s’achevait au Sénat. Puis dans la semaine du 8 décembre, on examinait une bonne partie des différentes missions du budget.
À ces difficultés de calendrier s’ajoutent des mésententes entre la commission des Finances du Sénat et les autres commissions du Sénat. Le rapporteur général a voulu imposer le ton dans le débat budgétaire. Or les commissions non financières, plus soucieuses de maintenir des crédits, ne l’ont pas entendu de cette oreille.
Ce n’est pas la première fois que les instances d’une assemblée réputée conservatrice n’accordent pas leur violon. La droite ne fait pas que se déchirer entre ses députés et ses sénateurs. Même au sein du Sénat, elle éprouve des divisions non plus partisanes ou personnelles (la querelle Retailleau-Wauquiez), mais de nature fonctionnelle. Il y a d’un côté les « financiers », soucieux de réduire la dépense publique, face aux autres, plus attentifs à conserver autant que faire se peut les crédits pour pérenniser certaines politiques publiques.
Enfin, le difficile arbitrage entre Bercy et les autres ministères n’a rien arrangé. Au point que, lors de l’examen des différentes missions, il y avait une incertitude sur le sort de certains crédits. L’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, un Premier ministre ayant fait le choix de ne pas brusquer les débats en se privant de certains procédés constitutionnels permettant l’accélération de la discussion parlementaire et un gouvernement de pure composition dont les membres ont des agendas différents rejaillit ainsi au Sénat.
Pourtant, en si peu de temps, on doit trancher sur des questions comme l’avenir de nos armées, le rôle de l’audiovisuel public, la place de la presse ou le soutien aux communes. Plus généralement, on discute tout simplement du budget de la nation, avec un consentement à l’impôt qui devient de plus en plus énigmatique, alors qu’il est censé être au fondement de nos finances publiques. Les injonctions sont contradictoires, car beaucoup de groupes de pression plaident pour le maintien des crédits, alors que le simple citoyen – qui est aussi le contribuable – redoute les sacrifices sur sa feuille d’impôt. Bref, tout cela est compliqué dans une société déboussolée et une politique sans cap. Or il faudra bien que les deux assemblées parlementaires s’accordent sur le texte final du budget 2026. Quel budget donc, mais pour quoi faire au fait ? Ce devrait être la vraie question.
Jean-François Mayet
Politologue
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