Le torchon brûle entre Trump et Musk

Le torchon brûle entre Trump et Musk

Le choc des Titans était prévisible: la seule question depuis le 13 juillet 2024 (date du ralliement de Musk) n’était pas « Est-ce que?» mais « Quand ? ». L’attitude plus que désinvolte de Musk, le plus évident étant son incorrection vestimentaire en présence du Président des Etats-Unis (qui tolérait) et notamment dans le Bureau Ovale, devant les caméras du monde entier, invite à la comparaison avec l’altercation publique du 28 février où le malheureux Zelinski s’était vu l’objet des railleries de Trump, Vance et d’autres parce qu’il s’était présenté à la Maison Blanche (comme à Notre-Dame de Paris, du reste) sans le costume-cravate de politesse élémentaire mais dans sa tenue dite de guerre. Zelinski avait tort (sur ce point-là, pas sur l’essentiel) mais au moins il n’avait pas une casquette sur la tête. En contraste avec la mendicité perpétuelle de Zelinski, Musk et ses 300 millions de dollars de campagne, ses géniales entreprises mises à la disposition de Trump, et donc de l’Amérique, et son action prodigieuse à la tête du DOGE. En raison de ses multiples contributions et de ses éclairs de génie si exceptionnels, Trump lui accordait un traitement de faveur qu’il n’a jamais accordé aux plus méritants de ses aides et Musk, à l’évidence, se croyait tout permis. Nous n’en étions pas moins choqués qu’il se conduise si souvent comme, ironie, un Boer authentique, sans manières et sans conscience des limites à observer.

Cela ne pouvait durer qu’un temps. Le côté savant fou de Musk, mâtiné de libertarianisme extrême, a éclaté au grand jour, dénotant une instabilité psychique inquiétante autant qu’infantile.

Ayant franchi plusieurs lignes rouges, même s’il trouvait le moyen de rentrer en grâce, jamais plus Elon Musk ne bénéficiera d’une telle mansuétude ni d’une telle patience de la part de Trump. La déloyauté, la perfidie, les calomnies sans fondement, les menaces de retirer ses billes du jeu, tout cela ajouté aux querelles avec les autres conseillers de Trump, jusqu’à en venir aux mains avec le ministre de l’économie Scott Bessent et à «se faire sortir » de l’Aile Ouest par le service d’ordre prouve que même un génie au QI hors du commun peut se montrer sot. Ou disjoncter.

L’autre question est désormais: lequel des deux a le plus à perdre?

Sur le plan privé, la fin de cette relation sera plus difficile pour Musk. Il ne remplacera pas ce père de substitution; Trump lui a ses fils et des gendres. Le Petit X n’a pas d’autre « Grand-Pa » que Trump; Trump lui a de nombreux petits-enfants qu’il ne parade d’ailleurs pas dans les lieux de la politique. Musk a perdu sa place dans la loge présidentielle sur la gestion du monde et ses accès privilégiés à tous les événements nationaux et internationaux. Plus grave, il rencontre la désapprobation générale.

Où pourrait-il aller se plaindre? A Xi et au PCC d’avec lesquels lui ne voit pas de raisons de se « découpler »?

Sur le plan politique, la rupture avec Trump pose de très sérieux problèmes. Dès le 5 juin, le Wall Street Journal rappelait les milliards de dollars de contrats en cours (désormais menacés d’annulation) entre les institutions fédérales (le Pentagone, Space Force, la NASA, les services secrets) et trois des entreprises de Musk (SpaceX, xAI, Starlink), une collaboration dûment pensée et établie pour le bien du pays et au service du programme pour lequel Trump a été élu. Tout cela est si dommageable que des tiers tenteront sûrement de sauver l’essentiel, pour le bien du pays et aussi pour les intérêts respectifs des deux milliardaires.

En réalité, la pire menace d’un Musk courroucé, c’est son idée calamiteuse et nombriliste de former « son propre parti politique ». On sait que les tiers partis ne gagnent jamais les élections mais sont un sûr moyen de faire perdre un des deux grands partis au profit de l’autre. Et les élections de mi-mandat de 2026, cruciales pour notre camp, pourraient ainsi voir revenir des majorités « démocrates ».

Et tout ce gâchis à cause de quoi?  Musk s’est révolté contre le projet de loi budgétaire voulu par Trump, le Big Beautiful Bill ou BBB, un seul et même projet agréé par la Chambre et en examen au Sénat. Le CBO (Bureau du Budget au Congrès), organisme partisan en faveur de la gauche, le critique parce qu’il pourrait grossir la dette fédérale (obscène, près de 38 trillions de dollars) de 2.5 trillions de plus. Mais ce que ni le CBO ni les sénateurs libertariens ne disent, c’est que les coûts regrettables mais si nécessaires pour relancer l’Amérique après les terribles années Biden, ont toutes les chances d’être compensés et même très largement dépassés par les rentrées que produiront les droits de douane, les investissements, et la croissance économique qui suivra les efforts de Trump en faveur de l’Amérique profonde.

Tout génie qu’il soit, Musk reste étranger aux arcanes du Congrès. Il ne maîtrise pas les subtilités des procédures budgétaires ni les jeux de la politique ou même l’avantage d’un projet de conciliation (entre des intérêts opposés, comme le BBB) qui ne demande qu’une majorité simple tandis qu’un projet d’appropriation ou allocation des fonds exige une majorité aux deux tiers.

Trump (en accord avec ses ministres et conseillers économiques) prend un risque calculé: cette loi budgétaire, si elle est votée (et il le faut parce qu’elle finance d’excellentes choses) est un pari sur les résultats espérés. Trump en mesure parfaitement les risques et les aléas possibles. Mais sont alignés avec lui des gens comme Scott Bessent, Peter Navarro, Edward Lutnik, Larry Kudlow, Stephen Moore et Newt Gingrich – excusez du peu, aussi nul besoin d’être soi-même un grand économiste pour savoir à qui faire confiance.

Musk devrait se concentrer sur Mars plutôt que de chercher à dompter le Congrès ou à terrasser le marécage de l’Etat profond.

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