Les évêques et la nation française
Le Collège des Bernardins, faculté de théologie située en plein cœur de Paris, a eu l’excellente idée d’organiser un débat sur l’immigration entre Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras (et donc, en particulier, évêque de la « jungle de Calais »), et Charlotte d’Ornellas, journaliste au JDD.
Depuis des années, la question de l’immigration constitue un clivage important parmi les catholiques de France, les déclarations du défunt Pape François ayant heurté de nombreux catholiques (y compris votre serviteur, pour qui, en particulier, cette déclaration : « Le principe de la centralité de la personne humaine nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale » demeure incompréhensible).
Dans ce débat, Mgr Leborgne invite à un accueil de l’immigré, fondant son message sur la dignité de la personne humaine, tandis que Charlotte d’Ornellas demande que l’on entende la souffrance des Français confrontés à l’invasion migratoire et insiste sur le bien commun national et la nécessité de préserver notre culture.
Naturellement, ces deux points de vue ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et il est assez remarquable que les deux interlocuteurs s’accordent souvent.
Je ne surprendrai personne en disant que le point de vue de Charlotte d’Ornellas m’est plus familier – même si les avertissements de Mgr Leborgne sur la dignité humaine des immigrés me semblent parfaitement justifiés. Je dirais volontiers que je suis contre l’immigration et pour les immigrés (à l’exact inverse de la « gauche morale » qui se moque bien du sort des immigrés mais veut utiliser l’immigration pour détruire notre civilisation).
Les arguments échangés sont de meilleure tenue que les débats politiciens actuels et il faut se réjouir qu’un tel entretien ait pu avoir lieu – ne serait-ce que pour comprendre les 40 % de pratiquants qui votent pour des partis « anti-immigration » !
Cependant, alors que Charlotte d’Ornellas parle régulièrement de nation française et de civilisation européenne, Mgr Leborgne parle presque exclusivement de personne humaine ou de l’ordre international fondé sur l’universalisme des droits de l’homme. Certes, la mission de l’évêque n’est pas politique. Mais il est curieux que les évêques de France ne parlent quasiment plus jamais de la France – alors que leurs prédécesseurs n’éprouvaient aucune difficulté à le faire jusqu’en 1945.
Tout se passe comme si les seuls niveaux légitimes de la réflexion politique épiscopale étaient la personne d’un côté et les Nations unies de l’autre. Or, les Français (et pas seulement les catholiques de France) ont besoin d’évêques qui « sentent » profondément (et en parlent clairement) ce que c’est qu’être français. Le christianisme est une religion de l’Incarnation et honore donc les médiations temporelles. On voit lentement renaître une piété populaire et enracinée (longtemps étouffée en France) et c’est heureux, mais il faut aller plus loin : la France a quelque chose de spécifique à dire au monde (et d’ailleurs aussi à l’Église universelle) et, si elle ne le dit pas, personne ne le dira à sa place.
Il est temps que la nation cesse d’être le monstre qu’on en a fait après la défaite du nazisme.
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