Les jeux du cirque numérisés
L’ensauvagement de notre société doit évidemment beaucoup à l’importation de cultures très éloignées des mœurs françaises. Mais il est, en réalité, beaucoup plus général (hélas !) – et il est urgent que nous en prenions collectivement la mesure.
Je n’en prendrai qu’un exemple, tiré de la sordide actualité récente.
Dans la nuit du 17 au 18 août, Raphaël Graven a rendu son dernier soupir en direct, devant des milliers d’internautes.
Plus connue sous le pseudonyme de Jean Pormanove, cette personne était l’un des Français les plus suivis sur différentes plateformes numériques – notamment la plateforme australienne Kick, où il intervenait au moment de sa mort.
Et, si j’ai bien compris, sur cette plateforme Kick, il était régulièrement l’objet d’humiliations et de sévices de la part de ses partenaires – moyennant rémunération des spectateurs.
Étant par ailleurs d’une santé fragile, « Jean Pormanove » n’aurait pas supporté un long « live » (plus de 300 heures en direct) et son cœur a lâché.
Je ne connaissais ni Kick, ni Jean Pormanove, et ce que j’ai lu depuis quelques jours sur ce fait divers répugnant ne m’a pas vraiment décidé à m’abonner à ce genre de « services ». Cependant, des milliers de personnes sont prêtes à regarder des heures durant une personne se faisant humilier par d’autres – et même à payer pour cela. C’est le comble de l’abjection.
Naturellement, personne n’est vraiment responsable : les plateformes peuvent dire qu’elles ne font que mettre en relation des voyeurs sadiques et des influenceurs masochistes ; et les spectateurs ne font que regarder.
La réalité, c’est que notre système médiatique, entièrement asservi à la publicité, et donc à l’audimat, pousse à des spectacles de plus en plus « trash ».
Je me souviens qu’il y a plus de vingt an, j’avais écrit un article contre la télé-réalité qui commençait à voir le jour. Nous avons simplement approfondi la logique.
D’ailleurs, pourquoi s’arrêter en « si bon chemin » ? Il paraît que des détraqués paient sur le darkweb des vidéos dans lesquelles des personnes sont réellement torturées. À quand ces récréatifs spectacles à une heure de grande écoute ?
Avec un assistanat généralisé et ces jeux du cirque numérisés, nous sommes ainsi retombés aux glorieux temps de la décadence de Rome : nous offrant « du pain et des jeux », les gouvernants sont assurés que la plèbe ne les renversera pas.
Pour ceux que ces dérives révoltent, il n’existe qu’une réponse : tourner résolument le dos au relativisme ambiant, où le bien et le mal sont des réalités changeantes, dépendant notamment des recettes que l’on peut en escompter. Non, la dignité humaine ne se monnaye pas et non, ce pays dans lequel on peut, en toute quiétude, se vautrer dans une telle perversion, n’est pas ma France !
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