Les leçons du black-out espagnol

Les leçons du black-out espagnol

Le 28 avril dernier, l’Espagne et le Portugal ont fait face à un black-out général d’électricité : plus de 55 millions de personnes ont été privées d’électricité pendant une douzaine d’heures.
C’est une catastrophe relativement rare en Europe (au cours des vingt dernières années, c’est la troisième panne de cette ampleur), mais elle sonne comme un avertissement. D’autant que, selon les premières estimations, 5 personnes ont probablement trouvé la mort à cause de cette panne – dont les causes sont toujours inconnues une semaine après les faits.
La première chose qui frappe dans cette affaire, c’est notre fragilité collective.
On dit souvent qu’une telle panne pourrait nous ramener au Moyen Âge. En fait, c’est beaucoup plus inquiétant que cela : au Moyen Âge, on vivait sans électricité ; au contraire, nous serions tout à fait incapables de vivre sans électricité. Nos hôpitaux, nos transports, nos communications, dépendent de cette électricité.
Il est à la mode de parler de résilience, mais nous avons bâti des modèles de plus en plus centralisés et intégrés – et donc aussi éloignés que possible d’une quelconque résilience.
Celle-ci impliquerait, au contraire, de multiplier les petites unités de production aussi près que possible des consommateurs – en se rapprochant de ce que le sociologue Alvin Toffler appelait un « prosumer » (alternativement ou en même temps producteur et consommateur).
La science-fiction (je pense, en particulier, au « Ravage » de Barjavel) nous a avertis sur la fragilité de notre civilisation, mais nous n’en avons, jusqu’à présent, tenu aucun compte.
Un autre aspect doit également être pris en considération – et rapidement si nous ne voulons pas voir des catastrophes plus graves encore frapper notre continent dans les prochaines années : il n’est pas raisonnable de donner à des énergies non pilotables et intermittentes une place démesurée dans le mix énergétique d’un pays développé.
Il n’est pas certain, à ce stade, que l’importance du solaire et de l’éolien dans le mix énergétique espagnol soit la raison principale de ce black-out, mais c’est l’une des explications les plus vraisemblables.
En tout cas, si j’en crois Fabien Bouglé, excellent spécialiste de la question (qui a relevé les chiffres officiels au tout début du black-out), au moment où la catastrophe est arrivée, 60 % de l’électricité espagnole était d’origine solaire et 10 % d’origine éolienne – c’est-à-dire que 70 % de l’électricité était, par nature, instable. Quoi que l’on pense par ailleurs des éoliennes ou des panneaux solaires, c’est beaucoup trop !
D’abord, parce que cela nous rend dépendants d’événements naturels que nous ne maîtrisons pas (une chute de vent ou un passage de nuages). Mais aussi parce que cela pourrait donner l’idée à des puissances malveillantes de profiter de cette fragilité.
Dans les heures qui ont suivi le black-out, plusieurs ont évoqué la piste d’une cyberattaque. Celle-ci semble, à ce jour, abandonnée. Mais cela ne signifie pas qu’elle soit une impossibilité technique : il est tout à fait possible de prendre le contrôle d’un réseau et de le « planter ». Inutile de préciser que ce genre d’acte malveillant aurait des conséquences désastreuses – au moins en termes économiques et probablement même en termes de vies humaines.
Certes, la vie est toujours semée de risques et d’accidents. Mais il n’est pas vraiment indispensable d’ajouter des fragilités à nos fragilités naturelles. Serait-ce trop demander à nos gouvernants de refaire le choix de la stabilité, en optant pour le nucléaire contre les énergies intermittentes, et en optant pour des petites unités de production résilientes, au lieu de monstres centralisés ?

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