L’impossible bipolarisation de la vie politique

L’impossible bipolarisation de la vie politique

Par-delà les méandres du Budget 2026, le compte à rebours a bien commencé pour le bloc central.

Échéance ? La prochaine présidentielle pour laquelle il lui faut présenter un candidat. Or, à ce jour, aucune figure n’émerge. Ils sont plusieurs à se considérer comme légitimes à accéder à l’Élysée : Attal, Philippe, Retailleau, Wauquiez, mais aussi Lisnard ou même Aurore Bergé, sans parler de ceux qui rêvent de voir leur heure. Cela fait beaucoup pour peu, car le candidat ou la candidate du bloc central n’est guère crédité d’un fort pourcentage, alors que Marine Le Pen ou Jordan Bardella sont donnés à plus de 35 %.

Si rien n’est garanti pour le second tour, celui qui portera les couleurs du RN disposera d’un matelas confortable de suffrages au premier tour lui permettant de créer une dynamique.

Si le bloc central peut bénéficier, au second tour, d’un effet « barrage », encore lui faut-il être discipliné dès le premier tour. Mais, à ce jour, il n’existe aucun mécanisme permettant de départager les ambitions.

La primaire ? On a déjà donné dans le passé, surtout quand ce n’est pas une garantie de gagner la présidentielle… Mais en supposant qu’elle devienne le juge de paix, encore faut-il s’assurer de son périmètre par-delà les difficultés techniques et logistiques propres à cette démarche préélectorale. En effet, s’agit-il d’aller de Darmanin à Knafo, comme le propose Wauquiez ? Ou d’Attal à Retailleau comme le souhaite Darmanin ? Selon les périmètres, on met la focale sur telle ou telle sensibilité. Si l’on va d’Attal à Retailleau, on prend le risque de privilégier les forces centristes et centrales, donc celui de se recentrer – dans tous les sens du terme – sur le « socle commun ». Mais c’est aussi nourrir l’illusion de croire qu’Attal s’inclinera devant Retailleau ou que Clément Beaune, qui préfère les Insoumis au RN, applaudira François-Xavier Bellamy… Et si l’on s’ouvre davantage à droite en allant jusqu’à Zemmour ou Knafo, on prend le risque d’acter la mort du bloc central.

La primaire pourrait ainsi être le poison mortel de la droite en la forçant à s’interroger sur un périmètre qu’elle n’arrive toujours pas à définir. C’est toujours se heurter au cordon sanitaire qui, il est vrai, ne tient plus vraiment chez les électeurs de droite. En revanche, il tient encore chez les élus de droite et on voit mal Hervé Marseille s’incliner devant Sarah Knafo.

Et même si Retailleau ou Philippe s’accordent à inclure Reconquête, on imagine la crise médiatique qui s’ensuivrait…

Bref, peut-on associer l’UDI et Reconquête, en supposant même que LR et Horizons parviennent déjà à s’entendre ?

Or le fait de ne pas inclure le RN ne règle pas les difficultés de cette prise en compte de la droite identitaire et nationale qui réapparaît sous les couleurs de Reconquête. Horizons ne veut pas de Reconquête. En lorgnant davantage vers la droite, on découvre que les difficultés que l’on croyait amoindries réapparaissent, car elles posent en réalité la question de l’identité de la droite.

D’où le dilemme : la droite doit se définir sous peine d’éclater mais, si elle ne le fait pas, elle éclate quand même.

Ce qui fait revenir à la question du bloc central, dont on oublie qu’il peut s’agréger a minima, mais sans définition idéologique de son programme. Or si rien n’est fait, il y a tout simplement le risque de satellisation de certaines forces auprès d’un pôle « RN-populiste ». Quant au bloc central, il continuerait à végéter, ne pouvant pas non plus s’aligner sur la gauche qu’il continue à conspuer. En effet, même si beaucoup caressent le rêve d’un duel Bardella-Mélenchon ou Le Pen-Mélenchon, il faut se garder de croire que le clivage politique ne pourrait se structurer qu’avec le RN et les seuls Insoumis. Il y a encore trop d’électeurs qui ne se reconnaissent ni dans l’un, ni dans l’autre, et ce ne sont pas les appels à faire barrage au RN, dans un cas, ou l’apparition de l’UDR de Ciotti, dans l’autre, qui suffiraient à habiliter ce clivage.

Peut-on croire naïvement que l’échiquier politique se limiterait aux seules forces contestataires ? Cela n’a aucun sens dans un pays qui, malgré son secteur public important, vit bien de l’économie de marché.

Au final, ce que soulève la question du candidat du bloc central, c’est la bipolarisation forcée de la Ve République. L’élection du chef de l’État au suffrage universel a conduit les forces politiques à se regrouper comme on le vit à la fin des années 1960 avec l’absorption des forces de centre-droit et de centre-gauche par la droite et la gauche.

Or, en l’état actuel de la société française, il demeure impossible d’imaginer une bipolarisation satisfaisante.

Jean-François Mayet

Politologue

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