Livrer des Mirages à l’Ukraine ?

Livrer des Mirages à l’Ukraine ?

Le président a annoncé la livraison d’avions de combat Mirages à l’Ukraine (nombre imprécisé).
Jusqu’à présent, il était avancé, avec raison, que, pour ne pas compliquer sur place la logistique de ces armements particulièrement sophistiqués, il était souhaitable de se limiter à un type d’appareil (des F16 américains, plus nombreux dans les armées occidentales, dont nous ne possédons aucun exemplaire).
Apparemment, « on » a changé d’avis. Je n’ai rien contre l’idée. Sauf que, une fois de plus, on va prélever ces avions sur les dotations de notre armée de l’air. D’une manière générale, les décisions prises de prélever des matériels divers dans nos unités pour les envoyer en Ukraine sont beaucoup critiquées. Elles posent problème en effet.
Que faire ? Livrer ou pas des matériels encore en service ? Il n’est pas facile de porter un jugement. Tout dépend de l’idée que l’on se fait de notre propre intérêt national.
Si on estime que notre sécurité ne commence que sur le Rhin, ou, au pire, lorsqu’un allié de l’OTAN est directement attaqué, il faut tout garder et refuser d’appauvrir encore une si pauvre armée.
Si on estime, considérant que la guerre chez les autres est préférable à la guerre chez soi, que notre propre intérêt est que la Russie échoue dans sa tentative expansionniste, alors il faut livrer, et vite. Nous ne sommes pas seuls à le faire. Notre avenir se joue aussi sur le Dniepr. Si l’Ukraine est défaite, ensuite à qui le tour ?
Je serais plutôt enclin à privilégier la seconde attitude – sous réserve.
Idéalement, il serait préférable de prélever sur des stocks et matériels en réserve. Comme peuvent le faire les Américains qui conservent des masses d’engins de toutes natures retirés du service actif.
Jadis, la plupart de nos régiments étaient gardiens de l’équipement d’unités de réserve constituées à la mobilisation. Il y avait des stocks. Ce n’est plus le cas. Des stocks, nous n’en avons pas. Il ne reste que les matériels en service.
Mais jusqu’où peut-on aller en retirant des matériels majeurs aux unités sans les désorganiser, nuire gravement à leur cohésion, à leur moral et à leurs capacités d’entraînement ? Quelle est la limite acceptable ?
Je pense qu’il faut aussi considérer que la capacité opérationnelle perdue ici, où elle n’est pas d’une urgence immédiate, est en fait transférée là-bas, où elle est cruciale maintenant.
Cela est jouable à la condition d’être cohérent jusqu’au bout, et de produire vite les matériels de remplacement pour nos unités. Ce qui suppose de passer en économie de guerre, au moins partiellement. On en est très loin actuellement, dans tous les domaines.
Pensez, à titre d’exemple, que nous n’avons construit que 13 avions Rafale en 2023, presque deux ans après le début du conflit en Ukraine.
Bien entendu, nous accompagnons ces envois de matériels par les personnels instructeurs indispensables. Tous les pays exportateurs d’équipements militaires le font, mais inutile de le crier sur les toits. Ce n’est pas un acte de belligérance ; ou alors la Corée du Nord et l’Iran, la Chine probablement, qui alimentent la Russie en armement sont aussi belligérants.
J’approuve M. Macron dans son attitude de soutien à l’Ukraine. Mais il parle trop. Dans de telles situations, on fait sans dire. Ses effets publics de Tartarin, qui oublie qu’il ne fait peur à personne avec une armée aussi réduite, ne servent que sa gloriole et ses ambitions européennes, nuisent à l’action et mettent en danger nos compatriotes engagés sur place. Il a en outre le tort de se désintéresser de l’opinion publique, là comme ailleurs.
Notre population, à qui l’enseignement public, depuis 50 ans, a négligé de donner une éducation morale et civique, est bien fragile.
Craignons que son soutien timide à l’Ukraine ne devienne hostilité si elle n’est pas informée clairement des enjeux.

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