Macron ne respecte pas l’esprit de la constitution

Macron ne respecte pas l’esprit de la constitution

Après la lourde défaite de la liste de la majorité présidentielle aux élections européennes, et, contre toute attente, à l’opposé de ce qu’il avait dit avant, à plusieurs reprises, le président Macron annonce le dimanche 9 juin, à 21 heures, sa décision de prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
Cette décision n’a que l’apparence de la régularité.
En effet, l’article 12 appartient à la catégorie des pouvoirs exceptionnels du Président sous la Ve République, comme l’article 16. Une telle mesure, exceptionnelle, doit donc pouvoir se prévaloir de circonstances exceptionnelles, ce qui n’était évidemment pas le cas au soir du 9 juin.
La dissolution a été mise en œuvre deux fois sous la Ve :
– la première fois par le général de Gaulle, en 1962, après a mise en minorité du gouvernement Pompidou,
– en 1997 par Jacques Chirac, pour de simples raisons de tactique politique, et avec le résultat que l’on sait.
Agissant ainsi, Emmanuel Macron se place peut-être dans le sillage de Chirac, mais certainement pas dans celui du général de Gaulle !
Ensuite, en cas de victoire de ses adversaires de droite, il prétend pouvoir nommer un Premier ministre issu de ces rangs, et affirme qu’il ne démissionnera pas.
Ces deux points méritent d’être analysés.
1) Le premier renvoie au principe même de la cohabitation. Jusqu’à l’acceptation de celle-ci en 1986 par Jacques Chirac – alors sous l’influence d’Édouard Balladur –, la majorité des constitutionnalistes était d’avis que la cohabitation avec un président de gauche et une majorité de droite n’était pas conforme à l’esprit des nouvelles institutions.
Jean Foyer, l’un des artisans de la Constitution française de 1958, considérait que le président de la République est doté de tels pouvoirs qu’une alternance politique n’était possible qu’à l’occasion d’une élection présidentielle.
Or, aujourd’hui, la limitation des pouvoirs d’un Premier ministre et de sa majorité, tous deux opposés à l’orientation politique du Président, encore renforcée par les pouvoirs accrus détenus maintenant par le Conseil constitutionnel, est telle que toute cohabitation tournera forcément au détriment du PM.
Toute nouvelle majorité qui veut aboutir à une alternance politique doit donc refuser la cohabitation.
2) Dans ces conditions, l’affirmation d’Emmanuel Macron selon laquelle il ne démissionnera pas, doit être considérée comme un simple souhait : s’il n’a pas de majorité, il ne pourra que se démettre, sans pouvoir se représenter. Sauf à laisser le pays sans gouvernement.
Un Président, garant de nos institutions, devrait respecter non seulement la Constitution mais aussi l’ensemble de son corpus.
Et, pour revenir à la dissolution du 9 juin, le respect de ses règles inclut le respect des échéances électorales : un mandat législatif de cinq ans doit aller à son terme, sauf circonstances exceptionnelles, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
C’est si vrai que, lors du passage du mandat présidentiel de 7 à 5 ans, l’un des arguments invoqués était de vouloir faire coïncider la durée des deux mandats, présidentiel et législatif.
Pour lui-même, le Président prend donc le risque de devoir quitter la scène, honteusement.
Pour la vie politique, ce qu’il appelle « clarification » est plutôt un dynamitage.
Et, pour les Français, pour notre économie, le pouvoir d’achat de chacun, il nous a plongés dans une période de funeste incertitude.
Comme si le comédien amateur transgressif, comploteur contre son camp en 2017, avait été poussé à la forfaiture par son mauvais génie en 2024.

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Comments (1)

  • eric Répondre

    Vous faites une lecture erronée de la Constitution. L’article 12 n’évoque nullement le besoin d’une circonstance exceptionnelle, donc les raisonnements sur cette base n’ont pas de portée.
    Il nomme (article 8) le premier ministre et les ministres. Ceux-ci n’engagent pas leur responsabilité devant le Parlement, ce n’est pas obligatoire.
    Toutefois, la cohabitation a fonctionné par le passé et on a pu voir qu’elle montrait bien qu’au final, c’est l’Assemblée qui a le pouvoir, suffit de se souvenir du gouvernement Jospin qui a pu travailler tout à fait normalement.
    Donc pour qu’il y ait blocage, il faudrait aussi que les extrêmes, comme d’habitude, jouent le scénario du pire.

    19 juin 2024 à 15 h 55 min

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