Macron ou la tyrannie du bavardage

Macron ou la tyrannie du bavardage

Je sais bien que nous ne sommes plus au XIXe siècle et que la communication politique a profondément changé avec l’apparition des chaînes d’information continue et surtout des réseaux sociaux. Mais il sera difficile de me convaincre que ce changement est bon pour l’exercice du pouvoir.
J’avais été surpris (et c’est un euphémisme), lors du premier mandat de Donald Trump, de voir l’usage que ce dernier faisait de Twitter – donnant des surnoms plus ou moins grotesques à ses collègues chefs d’État comme à ses adversaires politiques et annonçant à la terre entière le contenu de ses discussions diplomatiques.
On pouvait certes comprendre cette stratégie en constatant que les médias lui étaient hostiles.
Il avait donc besoin d’informer « sans filtre » ses électeurs de ce qu’il faisait et des raisons qui le poussaient à agir.
Il n’en reste pas moins que les réseaux sociaux sont extraordinairement inadaptés à la discrétion diplomatique.
Mais le pire est que, désormais, même les hommes d’État les plus encensés par les médias dominants se sentent obligés de tout commenter sur Twitter ou ailleurs vingt fois par jour.
Nous vivons sous la tyrannie du bavardage.
Si vous en voulez un exemple effrayant, jetez donc un coup d’œil au compte Twitter d’Emmanuel Macron.
Il y passe ses journées à décrire à qui il a téléphoné et à quel sujet – comme si nous avions besoin de savoir de quoi il parle avec la Première ministre thaïlandaise, le Président iranien ou le Premier ministre arménien (trois exemples glanés dans la seule journée du 29 juin).
Mais ce n’est pas tout : il peut aussi, à l’occasion, se muer en commentateur sportif (pour applaudir le Stade toulousain de sa victoire en finale du Top 14) ou en chroniqueur mondain (se mettant lui-même en scène pour la fête de la musique dans la cour du Palais de l’Élysée).
Même quand la communication porte sur des sujets relevant réellement de sa fonction de chef d’État, il ne peut s’empêcher de cabotiner. Ainsi débute-t-il un tweet de cette façon : « Une Marine nationale “au top du top”. »
Ce faisant, il reprend certes l’expression d’un officier de marine.
Mais ce « Jupiter » qui a tant méprisé les missions régaliennes de l’État ne pourrait-il pas prendre un peu de hauteur ?
Je n’ignore pas qu’à défaut de cette communication incessante, ses adversaires politiques lui intenteront un procès en inaction. Il n’en reste pas moins que cette tyrannie du bavardage est pénible et dangereuse.
Pénible car nous n’attendons pas d’un chef d’État qu’il rabaisse l’action publique au niveau d’une discussion de bistrot. Dangereuse, d’abord parce que la diplomatie ne peut être efficace qu’à la condition de rester discrète, sinon secrète. Mais aussi parce que le président est, comme les chaînes d’information continue, amené à réviser son jugement à de multiples reprises sur le même événement – réécrivant pour ainsi dire le passé, comme George Orwell le prophétisait dans « 1984 ».
Le pire est qu’à force de bavasser et de réduire l’action politique à cette logorrhée, les hommes politiques semblent croire que la parole suffit.
Pourtant Dieu seul peut créer par son Verbe. Pour les pauvres mortels que nous sommes, la parole est certes utile, notamment pour fixer le cap de l’action, mais elle ne remplace pas cette dernière.
Les longs discours sur l’insécurité, le rayonnement de la France ou son effondrement économique peuvent éventuellement être intéressants (de plus en plus rarement !), mais ils sont bien loin de résoudre quelque problème que ce soit. Et le vieux proverbe paysan n’a jamais été si vrai : « Grand diseux, petit faiseux ! »

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