Marc Bloch au Panthéon : un choix risqué pour Macron

Marc Bloch au Panthéon : un choix risqué pour Macron

Le président de la République a fait savoir que l’historien juif Marc Bloch allait entrer au Panthéon.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision. Mais le président a-t-il réfléchi que ce grand patriote était la négation même de tout ce qu’il représente ? L’image de l’homme et une de ses œuvres « L’Étrange Défaite » pourraient lui revenir, tel un boomerang en pleine figure, tant sa frivolité et son inconscience ne lui ont pas fait mesurer que Marc Bloch est la figure emblématique de tout ce que ne sont pas Macron et le destin qu’il souhaite à la France.
Mobilisé en 1939 sur sa demande (capitaine d’état-major), Marc Bloch connaît la « drôle de guerre », alors même que son âge et sa situation familiale auraient dû l’en dispenser. Ancien combattant de 14-18, il témoigne ainsi de son attachement à la France. Il assiste à la défaite et, après avoir échappé à la capture, il rédige un texte d’analyse de la défaite. Comme bon nombre de ses contemporains, il pense que ce n’est pas l’infériorité de notre armement qui explique l’échec de 1940, mais une faillite à la fois d’ordre moral et intellectuel.
Comme De Gaulle (Mémoires de guerre) et bien d’autres, il se montre très critique vis-à-vis des chefs militaires dont Gamelin est la figure principale, dont il se dit que la lucidité et la volonté se trouvaient empêchées par la syphilis. Ces chefs étaient, pour la plupart, cramponnés à une doctrine militaire de nature défensive face au Blitzkrieg allemand et à la guerre de mouvement. « Nous pensions en retard, dit Marc Bloch » – le tout consigné dans ce qu’il intitule : « Le procès-verbal de l’année 1940 ». Ces notes vont nourrir un travail ultérieur qui sera « L’Étrange Défaite ».
Je ne sais si Macron a lu le livre, mais j’en doute. Pour ma part, comme jeune historien préparant l’École des Chartes, je l’ai lu et en ai été marqué. Et c’est là que l’effet boomerang peut jouer.
Car les faiblesses de l’état-major sont doublées, dans l’analyse de Bloch, par les renoncements de la classe politique. Affectées de morgue, ces élites sont timorées et oublieuses de leurs concitoyens et du bien commun. Une société française, frileuse et des syndicats bornés, des partis divisés et ergotant sans cesse.
Comparaison n’est pas raison, mais il apparaît que jamais, sauf en 1940, la France n’a été aussi peu préparée qu’en 2024 au choc de l’histoire. Marc Bloch, explique comment nombre d’anciens combattants de 14-18 n’ont aspiré qu’au repli dans la sphère privée et n’ont pas vu le danger qui venait d’Allemagne. Repli dans la sphère privée et non perception du danger, voilà qui pourrait expliquer l’étrange défaite de l’opinion face aux menaces contemporaines.
Relisons « l’Étrange Défaite » et faisons lire le livre à la jeunesse s’il est encore temps de l’éviter.
En 1943, Marc Bloch rejoint le mouvement de Résistance Franc-Tireur sous le pseudonyme de Narbonne. Il participe à la mise en place des comités de la libération dans la région lyonnaise. Il est arrêté le 8 mars 1944, torturé et fusillé. Le manuscrit de « L’Étrange Défaite », enterré dans la propriété d’un ami clermontois, échappe à l’occupant allemand. Il ne sera publié qu’après la Libération (1946, réédition. Gallimard, « Folio histoire », 1990).

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