Mark Zuckerberg et la liberté d’expression
Les journalistes français peinent décidément à comprendre ce qui se passe aux États-Unis – qu’ils « analysent » avec une grille d’interprétation manichéenne, opposant les démocrates « ouverts et progressistes » aux républicains « sexistes et racistes ».
Ils semblent ignorer que le parti démocrate fut longtemps le parti du Sud et qu’on y trouvait de fervents partisans de l’esclavage (puis de la ségrégation) – et qu’à l’inverse, le parti républicain fut celui de Lincoln.
Plus près de nous, ils semblent ignorer que le parti démocrate n’est plus un parti populaire mais qu’il est soutenu par l’essentiel des grands médias et des grandes fortunes des États-Unis – et que c’est la principale raison de son effondrement électoral.
Mais, surtout, ce n’est pas parce qu’un système politique est bipartisan qu’il se prête facilement à une lecture simpliste. Il y a au moins autant d’opposition entre Bernie Sanders et Hillary Clinton qu’entre Trump et chacun d’eux.
La politique, c’est en effet tout autant de la sociologie que de l’idéologie – et, dans ce cas, si, traditionnellement, le parti démocrate était celui des ouvriers, défendant une forme de socialisme (très adoucie par rapport à chez nous !) , il est devenu le parti des milliardaires, chassant vers Trump les « déplorables » (selon le mot d’Hillary Clinton, aussi méprisante que François Hollande face aux « sans-dents »).
D’ailleurs, l’idéologie a progressivement suivi la sociologie, puisque la campagne de Kamala Harris était bien plus « wokiste » que socialiste.
Cela a conduit les médias français à l’aveuglement complet sur la récente campagne présidentielle. Mais cela les conduit aussi à ne pas comprendre ce qui se passe aujourd’hui parmi les milliardaires de la Silicon Valley.
Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, est l’exemple le plus emblématique de cette évolution. Alors qu’il avait fermé le compte de Donald Trump en 2021, il a été beaucoup plus prudent en 2024 et, surtout, il vient de critiquer la censure (reconnaissant en creux que Facebook censurait bel et bien, comme l’en accusait Trump) et d’annoncer des changements radicaux sur ses réseaux sociaux.
Cela tient, bien sûr, au discours de Trump qui menaçait de la jeter en prison ; cela tient aussi à la force de son principal concurrent, Elon Musk. Mais cela tient aussi au profond attachement des Américains au premier amendement de la constitution garantissant la liberté d’expression.
De ce côté de l’Atlantique, on ne comprend pas les discours de Trump et de Musk car notre culture politique est très différente mais il est évident que l’une des raisons du succès électoral du premier tient à sa dénonciation de l’État démocrate comme censeur (et même persécuteur) de l’Américain moyen.
Les journalistes français peuvent bien s’arracher les cheveux en se plaignant que Facebook ne leur délègue plus le « fact checking », l’immense majorité des Américains applaudit. Et il est sûr que ce « fact checking » a été – et demeure chez nous – un puissant instrument de censure (beaucoup de « fausses nouvelles » censurées ou pénalisées par les algorithmes se révélant vraies après quelques mois).
La victoire de Donald Trump n’est pas seulement (ni même principalement) une victoire électorale (même si elle est une éclatante victoire électorale !) ; elle est surtout une victoire culturelle.
Les grands fournisseurs américains de contenus acceptent, bon gré mal gré, que l’avis du simple citoyen ne soit pas plus méprisable que celui des « experts » plus ou moins autoproclamés. Et, vraisemblablement, une bonne partie de l’appareil démocrate va rejeter le wokisme qui a si mal réussi à Kamala Harris. Espérons que cette évolution arrive bientôt chez nous !
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