Multiplions les propriétaires !
Chesterton est connu comme l’un des meilleurs auteurs anglais du XXe siècle. On sait parfois aussi qu’il fut un flamboyant converti au catholicisme, mais peu de Français savent qu’il a également été un profond penseur de l’économie.
Nos amis de la revue « L’Homme nouveau » ont eu l’excellente idée de traduire cet ouvrage réunissant plusieurs études, publiées originellement dans la presse, dont la plupart n’avaient jamais connu de version française.
On pourra regretter que le titre n’informe guère le lecteur du contenu. Mais on peut aussi s’en consoler en se disant que bien des gauchistes peuvent s’y laisser prendre et découvrir ainsi une pensée politico-économique originale et fort peu gauchiste !
Même s’il faut savourer l’ouvrage – le style de Chesterton est un régal ! –, l’argument est simple : l’auteur considère que ce qu’il appelle « capitalisme » conduit inexorablement au monopole – et donc aux mêmes inconvénients que le socialisme qui n’est, de ce point de vue, qu’un capitalisme d’État.
Pour s’opposer au monopole, destructeur de l’entreprise et de la propriété, il invite à « diffuser la propriété » (le terme est de l’économiste corporatiste Louis Salleron, avec qui le distributisme a beaucoup de points communs).
Chesterton lui-même l’exprime ainsi : « Une société de capitalistes ne contient pas trop de capitalistes, mais trop peu. »
La financiarisation de l’économie a aggravé cette tendance à l’absorption de pans entiers de l’économie par quelques géants.
D’autant que les lois sont, en général, très favorables aux oligopoles, malgré d’abondants discours sur la concurrence. Qu’il suffise de rappeler ici que l’obligation faite aux communes d’intégrer une intercommunalité a drastiquement réduit le nombre d’acteurs susceptibles de concourir pour les marchés publics.
Quoi qu’en pensent les socialistes, la modernité ne défend nullement la libre entreprise, ni la propriété : elle a, au contraire, ravagé la propriété agricole et la propriété industrielle.
Politiciens et puissances financières y trouvent un intérêt commun : ces dernières s’enrichissent en liquidant leurs prestataires et les premiers nous préfèrent dépendants de l’État tutélaire pour que nous votions (et même pensions) « comme il faut ».
C’est tout le sens du fameux slogan de Klaus Schwab : « Vous ne posséderez rien et vous serez heureux. » Et c’est, en sens inverse, tout le sens de la révolte des Gilets jaunes qui ne réclamaient qu’une chose bien naturelle : pouvoir vivre de leur travail.
À plusieurs reprises dans l’histoire récente de la France, certains chefs d’État ont tenté ainsi de diffuser la propriété – notamment pour éviter l’inéluctable affrontement entre une poignée d’esclavagistes et une masse d’esclaves. C’était la logique de la distribution gaulliste. C’était aussi la logique du PEA (qui cherchait à rendre la majorité des Français propriétaires des entreprises du pays).
Malheureusement, ces tentatives ont échoué : les Français ont de plus en plus un sentiment de dépossession – qui n’est pas uniquement « identitaire », mais également socio-économique.
Il est temps d’écouter Chesterton et de travailler sérieusement à faire de tous les Français des propriétaires et, pourquoi pas, des entrepreneurs indépendants !
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