Retour aux sources pour la Constitution
La Constitution de la Ve République, adoptée le 4 octobre 1958, a été, depuis lors, modifiée formellement à 25 reprises. Le texte d’aujourd’hui est méconnaissable par rapport à celui d’origine. En outre, sa pratique a été souvent à l’opposé de l’esprit de ses concepteurs.
On sait que la pierre angulaire de cette Constitution repose sur les épaules du Président de la République, élu au suffrage universel direct depuis 1965, sans responsabilité devant le Parlement, celle-ci étant comme déléguée au Premier ministre, seul responsable devant les élus du peuple.
C’est au plan de son interprétation, et de l’usage de cette disposition essentielle, que le demi-tour est le plus saisissant.
On dira qu’elle s’est adaptée à des situations nouvelles… Mais ne pas respecter l’esprit d’un texte s’appelle une transgression. Elle explique largement la défiance des Français.
On en est donc arrivé aujourd’hui à avoir un Président qui, après avoir dit, en mars 2019, « Le président ne devrait pas pouvoir rester s’il avait un vrai désaveu en termes de majorité », se refuse à démissionner, malgré le désaveu dont il est bel et bien l’objet.
Ce mensonge caractérisé d’Emmanuel Macron fut précédé d’interprétations « déviationnistes » par chacun de ses prédécesseurs, depuis le décès du Président Pompidou.
– À l’occasion des législatives de 1978, le Président Giscard d’Estaing, indique clairement qu’en cas de victoire de la gauche, il n’a pas l’intention de démissionner. Il devrait donc cohabiter avec ses adversaires politiques. Ce que le général de Gaulle n’aurait certainement pas fait…
– En 1986, François Mitterrand perd les élections législatives. Mais la surprise vint alors de la droite victorieuse qui, sous l’influence d’Édouard Balladur, décida finalement de cohabiter. Ce qui lui valut de perdre la présidentielle de 1988…
– En 1997, Jacques Chirac, mal conseillé par Dominique de Villepin, décide une catastrophique dissolution. Sans que son gouvernement ait été remis en cause au Palais Bourbon. C’est une première…
– En 2000, le président Chirac accepte l’idée du passage du septennat au quinquennat, vieille idée socialiste. Il s’appliquera dès 2002, les législatives suivront, introduisant ainsi une concomitance, également contraire à l’esprit de la Constitution originelle…
– Enfin, le 9 juin 2024, Emmanuel Macron, à la surprise générale, décide lui aussi de dissoudre l’Assemblée nationale. Avec les résultats que l’on voit : aucune majorité, déjà trois gouvernements depuis seize mois, un chaos politique rarement vu. Et un RN qui frôle les 40 % d’intentions de vote dans les sondages. Chapeau l’artiste !
Bien qu’il soit toujours difficile, en matière institutionnelle, de revenir en arrière, il faudra être attentif dans ce domaine aux propositions des candidats à la présidentielle de 2027.
Les évolutions rappelées ci-dessus devraient amener à poser les questions suivantes (sauf pour LFI qui proposera de passer à une VIe République, de type soviétique) :
– La réforme de 1962 sur l’élection du Président au suffrage universel était-elle judicieuse ?
– Le passage au quinquennat a-t-il été positif ?
– Ne faut-il pas préciser les conditions encadrant le droit de dissolution du chef de l’État ?
– Ne faudrait-il pas aussi préciser davantage les responsabilités respectives du Président et du Premier ministre ?
Des politiciens médiocres sauront toujours contourner l’esprit du contrat constitutionnel. Mais le préciser pourrait éviter trop de dérapages.
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