Révocation du chef de l’État par le peuple
D
e tout temps, il a été constaté que les dirigeants politiques ont parfois quelque peine à quitter le pouvoir. alors même que leur départ est souhaité par une majorité significative de la population.
Si l’on se réfère à l’histoire de France, nous avons quelques exemples emblématiques de ce type de blocage institutionnel. Le XIXe siècle a vu cette situation se produire avec Charles X, puis Louis-Philippe, et plus tard, dans les débuts de la IIIe République, Mac-Mahon. Or, il se trouve que nous sommes en passe de connaître pareille hypothèse. Cette perspective conduit à s’interroger sur la réponse à apporter à ce cas de figure au plan institutionnel
Ce n’est un secret pour personne que se pose aujourd’hui un évident problème de pertinence de la gouvernance du pays. L’enlisement de notre pays est palpable. Au cours des dernières semaines, les loups ont commencé à sortir du bois. Des personnalités politiques de premier rang (anciens ministres, présidents de région) et aussi du monde universitaire, ont, sans ambages, évoqué la perspective d’une démission de l’actuel locataire de l’Élysée. À cela, l’intéressé a opposé un refus catégorique. Il entend, nonobstant les bourrasques et les mauvais sondages, accomplir jusqu’au bout le mandat qui lui a été régulièrement donné en 2022.
À cette pétition de principe – je suis le président légal donc je dois rester – une réserve est opposable : la légalité de la situation du président, c’est du procédural. L’essentiel est ailleurs. En politique, ce qui importe, c’est la légitimité de l’élu au regard de la volonté générale.
En démocratie, régime politique qui se caractérise par le fait que les dirigeants sont choisis par les citoyens, et non pas imposés comme en monarchie, la qualité qui confère le droit d’exercer le pouvoir, c’est la légitimité. La légitimité désigne le courant d’adhésion au programme et à la personne de celui qui prétend à l’exercice de la magistrature suprême
Est-on encore en droit d’exercer le pouvoir présidentiel, lequel est considérable sous la Ve République, lorsqu’on réunit moins de 20 % d’opinions favorables sur son nom et qu’un climat de défiance se répand de toute part en raison de l’affaissement du pays ? Le général de Gaulle avait le souci de savoir ce que le peuple pensait de sa conduite des affaires, car il estimait, à juste titre, que « le juge suprême c’est le peuple ». En 1969, sentant l’opinion flottante vis-à-vis de lui, il a entendu vérifier que sa légitimité était toujours suffisante. Et l’on sait ce qu’il est advenu.
Le progressisme macronien a conduit à des impasses, notamment sur l’immigration. Que va-t-il se passer si la pétition de Philippe de Villiers atteint plusieurs millions de signatures et, par exemple, le seuil requis pour le déclenchement d’un RIP (référendum d’initiative partagée – 10 % du corps électoral). Le président, foncièrement hostile à la démocratie directe, pourra-t-il persister dans le déni de la volonté générale et s’arc-bouter dans le refus de référendum sur le sujet ?
Suivant la réponse apportée, les Français sauront s’ils sont bien en démocratie ou dans un autre monde. Ils mesureront aussi combien il est important que les institutions fonctionnent. Pour l’heure, leur pays est comme le Titanic après sa collision avec l’iceberg, une machine stoppée sur une mer hérissée de récifs (budget, submersion migratoire, insécurité, menace de guerre à l’Est) dans l’attente de 2027. Ce qui est bien loin, vu l’urgence des problèmes et leur acuité.
Une démocratie ne peut pas admettre l’entêtement d’un dirigeant qui s’avère potentiellement porteur de troubles graves en tous domaines. Il s’ensuit que notre Constitution doit en complément de la destitution par le Parlement (art. 68), prévoir une possibilité de révocation par le peuple d’un dirigeant dont la légitimité est en berne.
À ceux que, dans le monde politique, ce pouvoir effraie, nous opposerons que les Français ne sont pas si impulsifs qu’on le dit. Ce serait même plutôt le contraire. On peut penser qu’ils ne feraient qu’un usage parcimonieux de ce droit – à calibrer pour éviter toute dérive.
Laisser un commentaire