Salutaire ralentissement de l’économie mondiale
Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel : c’est le dicton boursier le plus connu. De même, la capacité d’endettement des agents économiques a des limites. Et nous y sommes.
Depuis 1990, le taux d’endettement des ménages, dans les pays industrialisés, a plus que doublé, représentant même jusqu’à plus de 100 % du PIB dans plusieurs pays de l’OCDE.
Comme ce sont les ménages qui détiennent l’essentiel du patrimoine financier mondial, deux fois et demie le PIB mondial, cet endettement-là est sans doute le moins inquiétant.
Selon un rapport récent de l’OCDE, le total de la dette des entreprises et des États vient de dépasser les 100 000 milliards de dollars. L’augmentation annuelle de son encours a triplé depuis 2007 et 40 % de ce dernier vient à échéance avant la fin de 2027.
On comprend que certains économistes commencent à tirer la sonnette d’alarme, en particulier aux États-Unis, où la dette souveraine dépasse désormais 36 220 milliards de dollars, soit 125 % du PIB. Avec un coût pour les finances publiques supérieur au budget de la défense. Elon Musk vient d’ailleurs de reprendre à son compte cette inquiétude.
Or, le crédit des États-Unis est devenu fragile. Donald Trump vient de sentir le vent du boulet. Il dit vouloir réduire largement la dette publique de son pays.
Nos gouvernements ont abusé de leur pouvoir d’endetter nos États.
Longtemps ce fut essentiellement pour financer les guerres.
Puis pour « relancer » l’économie, selon la théorie de John Maynard Keynes exposée en 1936 dans son ouvrage majeur « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie ».
Depuis lors, la « relance par la consommation » est devenue la panacée de toutes les politiques économiques publiques. Même la Chine vient de s’y mettre !
Quelques illustrations :
– 1973. Première crise pétrolière. Georges Pompidou, président de la République, déjà très amoindri par la maladie qui allait l’emporter l’année suivante, dit à son ministre de l’Économie Valéry Giscard d’Estaing : « Il ne faut pas inquiéter les Français. » Du coup, le budget de l’État pour 1974 est présenté en déficit, pour la première fois depuis quinze ans. Depuis lors, tous les budgets de l’État ont été présentés en déficit. La dette publique de la France vient de dépasser les 3 300 milliards d’euros …
– 15 septembre 2008, la banque américaine Lehman Brothers fait faillite, déclenchant une panique inédite depuis 1929. C’est la crise dite des subprimes. Pour y faire face, et sauver les banques, les États ouvrent grand le robinet de la dette et de la consommation …
– 16 novembre 2019 à Wuhan, dans la province du Hubei (en Chine centrale), apparition du virus du Covid-19, avant de se propager dans le monde. Plus de 160 000 morts en France. 800 millions de personnes infectées dans le monde. Sept millions de morts. Pour maintenir le pouvoir d’achat, nouvelle ouverture des vannes du crédit aux entreprises et des déficits publics …
La géniale théorie de Keynes ne vaut que pour des moments exceptionnels, et à la condition que toute période de laxisme financier soit suivie par un retour à la rigueur de la gestion, en particulier des États. Ce qui n’a pas été le cas.
Dans ces conditions, les marchés financiers, sur lesquels ces créances s’échangent, sont devenus les arbitres de l’économie mondiales. Avec leurs agences de notation, ils notent la solvabilité des États. Et, en cas de grave dérapage – comme celui de Trump, avec ses droits de douane délirants –, ils adressent des coups de semonce.
Les responsables de ces États l’ont compris. Tous les matins, ils regardent le taux d’intérêt de leur dette souveraine à dix ans (OAT en France, T-Bond aux États-Unis, Gilt pour le Royaume-Uni ou Bund pour l’Allemagne, etc.). Si un écart se creuse brutalement, comme le 9 avril pour les États-Unis, c’est aussitôt panique à bord.
Tous les gouvernements du monde le savent. Les banques centrales mieux que personne. Mais l’endettement des États est porté par des structures si peu manœuvrables qu’il va falloir plusieurs années pour renverser la vapeur. D’ici là, l’économie mondiale va se trouver sur des charbons ardents.
Telle est l’explication du ralentissement économique mondial qui s’amorce sous nos yeux.
Il est nécessaire, et pas seulement vertueux.
Et il est salutaire : le financement de l’économie par la dette doit être l’exception. Son financement par l’épargne préalable doit redevenir la règle.
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