Travail, Famille, Patrie
On reparle – en mal – du régime de Vichy. Je suis né en 1934, et j’ai vécu cette période à Aix-les-Bains. Tout au long de la guerre, les grands hôtels d’Aix-les-Bains furent réquisitionnés pour accueillir des blessés. La ville est restée à l’écart des combats. Grâce au débarquement de Provence, elle fut libérée le 21 août 1944.
Mon passage à l’école primaire d’Aix a duré d’octobre 1940 à juin 1945. C’était la continuation, inchangée, de l’excellente école de la IIIe République.
Mon jeune frère, qui avait 5 ans de moins que moi, reçut mot pour mot, des mêmes instituteurs et institutrices, le même enseignement, dans les années d’immédiat après-guerre.
Les élèves portaient un tablier, souvent gris ou noir – sans que ce soit obligatoire.
Nos enseignants avaient une tenue impeccable : souvent blouse et, pour les hommes, cravate. Ils siégeaient sur une estrade et on se levait spontanément quand ils entraient en classe.
On allait à l’école 5 jours par semaine (sauf jeudi et dimanche). L’horaire était 8 heures-11 heures et 13 h 30-16 h 30, soit 30 heures par semaine.
On écrivait à l’encre violette avec la plume sergent-major. (Les crayons-billes étaient inconnus, ils ne sont apparus qu’après la guerre et les premiers bavaient beaucoup.)
On faisait en général une dictée et une petite rédaction par semaine. On apprenait par cœur les tables d’addition et de multiplication.
On apprenait par cœur les conjugaisons, y compris les temps moins employés : passé antérieur et futur antérieur.
On apprenait à calculer le périmètre et la surface du carré, du rectangle, du triangle. On apprenait la géographie de la France sur les grandes cartes murales Vidal-Lablache.
On apprenait l’histoire de France par la chronologie. On se constituait un petit répertoire de dates (grandes batailles et traités) qu’on apprenait par cœur.
On apprenait aussi des chansons et des poésies.
Nous avions de temps en temps une leçon d’instruction civique. C’était une leçon de morale où on nous apprenait à être serviable, poli, à respecter les personnes âgées, à obéir sans murmurer aux agents de police – qu’on n’appelait pas encore les forces de l’ordre.
L’école était un sanctuaire, étranger au terrible conflit qui ensanglantait la France.
Jamais nos enseignants n’ont évoqué les très graves événements de l’époque : bombardements alliés, actions de la résistance, représailles allemandes.
Jamais nous n’eûmes un commentaire sur la politique, ni sur l’organisation des pouvoirs. On ne nous fit jamais la moindre propagande sur le régime en place.
Une seule fois, on nous donna une explication sur la devise de l’État français : Travail, Famille, Patrie. Le travail, c’est la France d’aujourd’hui. La famille, c’est la France de demain. La patrie, c’est la France éternelle.
Cette devise est totalement discréditée pour avoir été celle du régime de Vichy.
Elle mériterait pourtant qu’on se réfère aux valeurs qu’elle porte, sans être taxé de « collabo ».
La productivité de la France s’est effondrée. La natalité n’a jamais été aussi basse. Nos dirigeants rêvent de dissoudre la France dans l’Union européenne.
Nous n’arrêtons pas de nous détruire. Au soir de ma vie, j’ai mal à la France !
Laisser un commentaire