Bainville : l’intelligence au service de la France
Le désespoir en politique est une sottise absolue, disait Charles Maurras. En voulez-vous une preuve ? Insensiblement, la situation de monopole idéologique de la gauche – qui, hélas, nous apparaît encore si évident – s’effrite. Oh, bien sûr, nous sommes encore loin d’un équilibre : la prétendue Éducation nationale (ni éducative, ni nationale), les médias dans leur écrasante majorité, restent acquis aux idées de gauche. Mais, progressivement, l’édition grand public se réapproprie de grands auteurs de droite.
La collection Bouquins est l’une de ces entreprises éditoriales qui font beaucoup pour offrir de nouveau au public français les œuvres de ces auteurs de droite. Sans exclusive, naturellement (pour nous, qui sommes de droite, un grand auteur, c’est un grand auteur, quelles que soient ses idées, tandis que, pour la gauche, un grand auteur, c’est nécessairement un auteur de gauche…). Sans exclusive donc, mais avec courage et constance.
Après Maistre, Barrès, Furet (homme de gauche, pourtant, qui fut rejeté dans les « ténèbres réactionnaires » pour avoir osé critiquer la vulgate marxiste sur la révolution de 1789 !), Aron, ou encore Léon Daudet, cette collection, publiée par Robert Laffont, vient de nous offrir une magistrale compilation de Jacques Bainville (édition présentée par Christophe Dickès qui n’est pas vraiment un bolchevique de stricte observance !).
C’est avec bonheur que j’ai relu « Les conséquences politiques de la paix », où le grand historien annonçait, dès 1920, le fiasco du traité de Versailles et la guerre à venir. Ou encore « L’histoire de deux peuples », où il nous explique pourquoi l’Allemagne unie est un danger pour la paix en Europe. Le tout avec une précision de chirurgien, servie par une vaste érudition et une connaissance des lois de la politique qui forcent d’autant plus l’admiration du lecteur contemporain que ces qualités ont quasiment déserté le débat public.
Ce qui frappe en relisant ces œuvres connues, c’est l’absence totale de dogmatisme. Certes, Bainville était royaliste, mais il semble que le cœur soit totalement absent de cet attachement – qui, pourtant, nous apparaît souvent aujourd’hui comme une nostalgie romantique. Bainville admirait l’œuvre capétienne, cette constante recherche de l’unité nationale, cette constante recherche de l’affaiblissement des adversaires. Et, s’il est anti-républicain, c’est parce que la République est ce régime qui a conduit à maintes invasions du territoire national, à un affaiblissement de la patrie, et qui a servi la cause de l’étranger en croyant servir la France.
Pour le reste, Bainville est un chroniqueur du même style que Raymond Aron. Passionnément amoureux de la France, mais détaché jusqu’à la froideur de son sujet d’étude, l’observant de très haut à l’aide d’exemples historiques lointains, aussi familier de la pensée de Poincaré que de celle de Louis XV… Est-il besoin de dire que ces chroniqueurs nous manquent cruellement ? Quand tant de pseudo intellectuels pérorent pour ne rien dire, pour masquer leur flagornerie à l’égard des puissants du jour, ou pour dissimuler leur haine de notre histoire et de notre communauté nationales, un Bainville ou un Aron suffiraient pour remettre le débat public à un niveau satisfaisant !
On ne peut s’empêcher, en relisant ces pages, de se dire que Bainville (mais j’ai souvent éprouvé la même chose avec Aron, que j’ai beaucoup plus étudié naguère) dit avec précision ce que nous sentons confusément. Et cette lecture a ainsi pour conséquence de nous rendre intelligents – ce qui n’est pas désagréable, pas inutile… et pas si fréquent !
Mais nous découvrons aussi, dans ce livre, un autre Bainville : excellent critique littéraire, conteur, homme du monde…
Bref, tout ce fort volume est un enchantement et je ne saurais trop vous recommander de vous le procurer au plus vite. Et de le faire lire… Qui sait ? Peut-être que, 75 ans après la mort de l’historien, nos compatriotes comprendront enfin, en relisant ses œuvres, que la politique a ses lois. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. D’où il ressort au moins cette leçon qui demeure d’actualité : de l’anarchie et de la démagogie, ne peut sortir que l’oppression…
1149 pages – 30 €
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Comments (1)
"Mais nous découvrons aussi, dans ce livre, un autre Bainville : excellent critique littéraire, conteur, homme du monde…"
Belle présentation qui donne envie d’acheter et d’apprendre … jusqu’à cette expression "homme du monde"… qui fait référence à un système de valeurs que je qualifierai pour simplifier de primitif et dont il suffit de voir ce qu’il a produit pour en déduire qu’heureusement, d’autres portes s’ouvrent!.