Censurer pour défendre la « liberté d’expression » !

Censurer pour défendre la « liberté d’expression » !

L

e Conseil d’État trouve son origine et sa légitimité dans son rôle de conseil juridique du roi au XIIIe siècle, puis, depuis Napoléon, du gouvernement.

Malheureusement, il a insensiblement tourné le dos à cette mission pour devenir l’une des pièces maîtresses du « gouvernement des juges » qui, après avoir tué l’Ancien Régime, s’apprête – ironie de l’histoire – à détruire le nouveau.

J’évoquais la semaine dernière sa récente décision détruisant, en pratique, la notion même de frontières nationales.

Le 13 février, le Conseil d’État a rendu une décision peut-être encore plus ahurissante.

L’affaire elle-même est surréaliste et mérite un rapide rappel des faits.

La très gauchisante association Reporters sans frontières avait saisi en 2021 l’Arcom, l’autorité régulatrice des médias, d’une mise en demeure contre Cnews pour « manquements à ses obligations légales d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information ».

Il est cocasse qu’une association chargée de défendre la liberté de la presse mette en demeure un média en France. C’est paradoxal – sauf si l’on comprend que RSF joue ici les bras armés de la bien-pensance (la gauche étant le camp du bien ne peut pas être contre la « liberté », sauf celle des « fascistes »).

L’Arcom répondit que Cnews appliquait la loi (en l’occurrence la loi de 1986 relative à la liberté de communication).

L’affaire aurait pu en rester là, mais RSF saisit le Conseil d’État pour forcer l’Arcom à « agir » – donc à sanctionner Cnews.

Si les défenseurs autoproclamés de la liberté d’expression sont en réalité des censeurs, le juge prétend, lui, légiférer, au mépris de la sacro-sainte séparation des pouvoirs supposée être la garantie de la démocratie.

Le Conseil d’État ne dit pas que Cnews viole la loi de 1986 ; il dit qu’il faut compléter cette loi. Il résume lui-même : « Le Conseil d’État juge que, pour assurer l’application de la loi, l’Arcom ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques. »

En somme, pour assurer l’application de la loi, il faut la changer. Très logique en effet !

Le plus extravagant, c’est que cette prétendue quête de « pluralisme » ne vise que Cnews (même si, bien sûr, la jurisprudence du Conseil d’État va nécessairement s’appliquer à tous, ce qui commence, semble-t-il, à inquiéter quelques gauchistes).

On pourrait pourtant penser que le service public, vivant de nos impôts, devrait être à cet égard exemplaire, alors que son tropisme de gauche est bien connu.

Mais non, nous sommes revenus aux temps glorieux de la Terreur : ce qui compte, c’est bien de priver les « ennemis de la liberté » de toute liberté (et, naturellement, c’est à la gauche « morale » qu’il revient de dire qui est ennemi de la liberté).

Bienvenue chez Orwell !

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