Immigration : le référendum impossible ?

Immigration : le référendum impossible ?

Il y a quelque temps, nous avions souligné que la France, plus exactement sa classe politique, avait un problème avec la démocratie directe (n° 1385).
Nous venons d’en avoir une nouvelle illustration ce jeudi 11 avril avec la décision du Conseil constitutionnel portant rejet de la demande présentée par le parti LR tendant à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur divers aspects de la problématique migratoire, en particulier l’apport de restrictions à l’accès, par les migrants, à différentes prestations sociales.
Les Français n’auront donc pas voix au chapitre sur ce sujet important.
Ce rejet résulte de l’orientation bien connue du Conseil en faveur de l’humanitaire (rappelons-nous la décision « Principe de fraternité » de 2018).
Il a aussi une cause technique : l’obligation posée par une loi organique (2013) de soumettre au contrôle préalable du juge constitutionnel un projet de consultation par la voie du RIP, afin que soit appréciée la validité de son objet au regard des dispositions de la Constitution.
Ce qui peut, à première vue, paraître une sage précaution s’avère en réalité une anomalie, et un non-sens sur le fond du droit comme nous le verrons plus loin.
En effet, avec ce contrôle en amont s’exerce un encadrement de la volonté générale susceptible de faire obstacle à son expression.
Or, notre système politique repose sur le principe de la souveraineté nationale.
Il s’ensuit que le blocage d’un projet de consultation vient paralyser l’exercice d’un pouvoir en principe inconditionné et sans égal : celui du peuple.
Le perfectionnisme juridique dont a fait montre le législateur en instituant cette vérification de conformité aboutit à transférer au juge constitutionnel le pouvoir décisionnaire en la matière, si bien que cette autorité peut interdire un référendum. Elle devient maître des choix de la volonté générale. C’est le gouvernement des juges dans toute son étendue !
Mais, objectera-t-on, si on supprimait ce contrôle, ce serait la porte ouverte au vote de lois possiblement contraires à la Constitution et cela, ce n’est pas acceptable au regard de l’État de droit. Sauf qu’une loi référendaire, en tant qu’elle constitue l’expression directe de la souveraineté nationale, traduit un moment T de la volonté générale qui, à raison de sa légitimité politique supérieure et de sa postériorité, s’impose aux autres normes de l’ordonnancement juridique en vigueur.
Une nouvelle légalité s’installe, traduisant l’évolution des attentes du Peuple vers une nouvelles approche, qui se substitue à la précédente.
Au cas présent, l’attente de la population, c’est clairement la réactivation de la préférence nationale instituée dans les années 30 au moment de la crise économique : faire que les prestations sociales ne soient plus versées de manière inconsidérée à des personnes étrangères.
Les deux tiers des Français sont d’accord là-dessus. La démocratie, c’est de permettre que cette revendication soit inscrite dans le droit positif, même si, en l’état de notre droit, des normes ne vont pas dans ce sens. Le levier de régulation du conflit, c’est la souveraineté nationale via le référendum.
Comment sortir de l’obstruction répétée des autorités ? Pour atteindre cet objectif, la première condition, c’est la réaffirmation de la primauté de la souveraineté nationale sur toute autre force, car cette prévalence est aujourd’hui contestée aussi bien par les juges que par les clercs de l’Université. Il faut ensuite au plan institutionnel sortir des méandres du RIP pour passer, par réécriture de l’article 11 al. 3, à une formule sans filtre rappelant celle en vigueur en Suisse : sur la base d’une pétition réunissant 2 ou 3 % du corps électoral, une consultation serait organisée.
Pour les motifs exposés ci-dessus, son objet serait bien entendu exempté de l’aval du Conseil constitutionnel et le Gouvernement serait tenu (compétence liée) d’organiser le scrutin.
Encore une fois, le bloc de constitutionnalité ne résume pas l’État de droit, même si c’est vers l’acceptation de ce dogme « d’un droit figé » que cherche à nous entraîner le Conseil.
L’État de droit, c’est un univers en mouvement, qui intègre les revendications des citoyens, lesquelles peuvent être en discordance avec l’ordre établi, et tendre à l’infléchir.
Prochainement, en Suisse, les citoyens seront appelés à se prononcer par référendum sur l’immigration. Ce pays nous montre le chemin, sachant, qu’ici, ce sera une longue marche …

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