Le bellicisme « a-légal » d’Emmanuel Macron

Le bellicisme « a-légal » d’Emmanuel Macron

La France, qui ne se prive jamais de donner des leçons par la voix de ses dirigeants, est avant tout un État de droit – en théorie.

Or, l’Ukraine n’est pas un pays de l’Union européenne, ni un membre de l’OTAN et n’a aucun accord de défense avec la France. Celle-ci n’a pas non plus d’intérêts vitaux en Ukraine.

Il eût été pertinent de se poser la question de savoir si la France devait intervenir. Mais le choix politique fait par le Président de la République d’aider l’Ukraine n’est pas le sujet de ce papier.

En revanche, la question de la légalité de notre engagement se pose.

Tout d’abord, ce choix politique n’a pas été suivi d’un choix législatif et judiciaire.

Par l’article 411-3 du Code pénal révisé par l’ordonnance du 19 novembre 2000, nous nous interdisons de livrer des moyens militaires au détriment de la défense nationale.

Par la Résolution du 30 novem­bre 2022 (303 voix sur 399 votants), l’Assemblée nationale réaffirma son soutien à l’Ukraine par le double biais de l’UE (article 12) et du gouvernement (article 20).

Si, en toute rigueur, ces deux dispositions ne sont pas contradictoires, dans les faits, le prélèvement de matériels militaires dans certaines unités constitue une infraction, le législateur laissant enfreindre la loi qu’il a lui-même rédigée.

L’accord de sécurité signé à Paris le 16 février dernier entre, non pas la France et l’Ukraine, mais entre leurs présidents respectifs, témoigne d’un degré supplémentaire dans l’illégalité.

Notons les réactions immédiates de MM. Nicolas Dupont-Aignan et Alain Houpert qui s’insurgeaient qu’eux seuls sur 925 parlementaires aient réagi face à cette initiative personnelle sans consultation de la représentation nationale, ainsi que la déclaration publique conjointe de MM. Hubert Védrine et Jean-Pierre Chevènement qui réclamaient un débat sur le fond en en saisissant le Parlement ; deux signaux clairs que cette initiative violait l’État de droit.

Cet accord quasi personnel entre deux hommes n’a aucune valeur juridique. Il n’a fait l’objet d’aucune consultation comme l’article 53 de la constitution l’eût exigé, ni d’une loi assortie d’un décret d’application ni bien sûr … d’aucune publication dans le Journal Officiel.

En clair, cet accord n’est pas seulement illégal mais purement « a-légal ». Un vide juridique.

Sans écarter une basse ma­nœuvre de notre Président pour tromper son visiteur (fort improbable d’ailleurs), ce texte a quand même des conséquences potentielles gravissimes.

Ayant proclamé « qu’il ne fallait pas laisser gagner la Russie », le Président Macron a fait état d’une « européisation de notre dissuasion nucléaire », lors de son voyage en Suède, plaçant ainsi la France, déjà considérée comme cobelligérante par la Russie, en position de cible n° 1 dans le cas d’un conflit direct entre l’OTAN et la Russie.

Enfin, le 26 février dernier, le chef de l’État, peut-être par le réflexe de ceux qui, pour tenter de retrouver une popularité qui leur échappe, désignent un ennemi extérieur, a franchi un pas de plus en déclarant possible l’envoi de troupes occidentales face à la Russie.

Alors, veut-il la guerre ? Est-ce seulement une gesticulation imprudente et dangereuse ?

Dans l’article L. 4122-1 du Code de la Défense, il est stipulé qu’un militaire n’est pas obligé, et a même le devoir de ne pas obéir à un ordre manifestement illégal.

L’accord du 16 février précise expressément prendre effet à compter de la date de la signature (!). Le Président va-t-il donner des ordres pour sa concrétisation ?

Quoi qu’il en soit, ce texte doit poser un réel problème de conscience aux militaires. Si les échelons subalternes ne voient pas forcément la gravité et le caractère ubuesque de la situation, les hauts échelons de la hiérarchie ne peuvent l’ignorer.

Toujours très légalistes, ils ne peuvent que constater l’État de droit ici bafoué. Ils le doivent !

Pourquoi ?

Un jour viendra où certains de nos gouvernants et hauts responsables auront à rendre des comptes au peuple qui, selon l’article 3 de notre Constitution, détient seul la souveraineté nationale, confiée le temps limité de leur mandat à ses représentants. Par l’élection de représentants, le peuple ne souhaite pas être trahi mais avoir une gouvernance conforme à ses vœux et surtout intérêts.

Posons-nous tous, d’urgence, la double question solennelle suivante :

– Qui veut mourir en (ou pour) l’Ukraine ?

– Qui veut mourir à cause du délire d’un tyran ?

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Comments (2)

  • Sansillusions Répondre

    Un accord “a-légal” ? Qu’attendre d’autre de la part d’un “amoral” qui s’assoie sur tout ce qui ne va pas dans le sens de ses caprices ? Et qui vous enverrait sans mollir au casse-pipe, avec l’approbation enthousiaste de ses lèche-bottes, en plus. La “Constitution” ? très drôle pour celui qui n’en a cure.

    7 mars 2024 à 0 h 28 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    Merci Monsieur Coustou pour cet exposé juridiquement parfaitement documenté
    Enfin un article AUTHENTIQUEMENT POLITIQUE dans les ” 4 Vérités ” et qui nous change des ” papiers ” polémistes, partisans et stériles habituels
    La Constitution , toujoiurs la Constitution et rien que la Constitution
    Ceux qui LA violent doivent passer devant la Cours de Justice

    5 mars 2024 à 17 h 57 min

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