Nous crevons à petit feu des « bons sentiments »

Nous crevons à petit feu des « bons sentiments »

Nous avons de plus en plus le sentiment que la vision politique de « nos » dirigeants s’inspire directement du monde merveilleux d’Hollywood.
Ce monde est partagé en « bons » et en « méchants » – le « bon » de naguère pouvant parfaitement, moyennant un peu d’effort de propagande, devenir le « méchant » d’aujourd’hui.
Cette vision manichéenne n’oublie que deux choses, mais elles sont de taille : d’une part, la nature humaine est un tantinet plus complexe que cela (personne n’est parfaitement bon, ni entièrement mauvais), et d’autre part les « méchants » peuvent être d’excellents alliés si nos intérêts nationaux respectifs convergent, tandis que les « bons » peuvent fort bien devenir des adversaires.
Cette vision manichéenne peut assez bien s’accommoder de la tradition messianique des États-Unis.
Mais elle s’accommode très mal avec les traditions européennes de diplomatie.
Et, depuis 1945 et le triomphe de la sous-culture hollywoodienne, nos diplomaties européennes s’effondrent. Pour au moins trois raisons : d’abord, parce qu’elles ne sont plus adossées à une force militaire sérieuse ; ensuite parce que les chefs d’État et de gouvernement européens ont été progressivement gagnés par cette vision du monde tout à la fois « bisounours » et noir et blanc ; enfin parce que, corollairement, la diplomatie (au moins en France, mais je crois que c’est de plus en plus général dans le monde occidental) a cessé de recruter des personnes à la fois cultivées et expérimentées pour recaser des amis politiques.
Ajoutons à cela une incapacité chronique de la part des politiciens à envisager le long terme et nous aurons tous les ingrédients d’un effondrement des relations internationales.
Naturellement, il ne s’agit pas d’une comparaison « esthétique » entre les diplomates de la IIIe République et ceux de la Ve.
Tout cela nous amène (dans l’indifférence générale) au bord de l’abîme – et potentiellement de la guerre mondiale.
Si l’on compare les désastreuses conséquences de cette politique de dessin animé aux traités de Westphalie de 1648, résultant d’une froide analyse des intérêts bien compris de la France, mais qui nous ont apporté 200 ans de paix avec l’Allemagne, il n’est pas sûr que nous demeurions dans l’histoire comme immensément supérieurs à nos aïeux !
Mais cette invasion des « bons sentiments » n’est pas seulement catastrophique pour les relations internationales. Elle est littéralement désastreuse en tous domaines.
Ainsi, au nom des « bons sentiments » (en l’occurrence, une recherche forcenée d’égalité), nous avons imaginé une fiscalité confiscatoire pour les plus talentueux, les plus travailleurs et les plus entreprenants. En quelques décennies, nous avons réussi le tour de force de détruire l’essentiel de notre appareil industriel et la prétendue « start-up nation » continue certes à produire des idées … mais celles-ci sont exploitées industriellement aux États-Unis et non chez nous !
De la même façon, les « bons sentiments » nous ont conduits à accueillir toute la misère du monde. Résultat, la France se tiers-mondise à grande vitesse, son système éducatif est en faillite (et comment reprocher à des professeurs leur incapacité à enseigner les humanités à des enfants qui ne parlent pas français chez eux ?) et les faits divers les plus violents sont devenus tellement banals qu’ils ne sont plus recensés par la presse.
Serait-ce trop demander que de réclamer que nos dirigeants soient guidés un peu moins par leurs émotions, aussi honorables soient-elles, et un peu plus par leur raison et la recherche de l’intérêt national ?

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