Procès du RN et subjectivisme du juge
Le procès intenté au RN et les dures réquisitions du parquet, avec l’émoi qu’elles ont suscité, invitent à s’interroger sur le travail du juge. La protestation d’indépendance froissée, que la magistrature oppose de façon systématique dès qu’une critique survient sur sa pratique, interdit-elle tout questionnement à ce sujet ? Nous ne le pensons pas.
Au cours du traitement d’une affaire, la latitude d’action du juge est balisée par des rails : la matérialité des faits, le droit applicable et, enfin, la déontologie de la profession. Le juge ne fait pas ce qu’il veut. Sa réflexion est conditionnée par les caractéristiques du dossier. Il n’est cependant pas réduit au rôle d’automate. Il met en œuvre une expertise. Autrement dit, il y a en amont de la décision du Tribunal tout un travail d’analyse et d’interprétation, afin de parvenir au « bien juger » , cher à Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’État.
C’est au cours de cette phase préparatoire que peut intervenir un facteur que l’affaire RN met particulièrement en relief : le subjectivisme du juge. Dans l’exercice de son office, le juge, afin de respecter au mieux le principe d’impartialité, doit, autant que faire se peut, éviter que sa lecture du dossier puisse être brouillée par l’interférence de sa personnalité. En clair, de sa subjectivité. Il doit savoir se méfier de lui-même de manière à atteindre la meilleure objectivité, car en cela réside la garantie d’une justice équitable. L’institution judiciaire admet cependant qu’il puisse apporter sa touche personnelle dans l’analyse du dossier et la formulation de la solution préconisée. Telle est la signification de cette notion quelque peu paradoxale de subjectivisme du juge.
Toutefois, l’affaire RN vient d’en donner une illustration perturbante avec le propos stupéfiant de la procureure qui a déclaré à l’audience, à propos de l’illégalité incertaine d’un contrat passé par l’un des prévenus : « Je n’ai pas d’éléments pour déclarer la relaxe (sur ce point) car cela me ferait trop mal … »
Ce que l’on comprend, c’est qu’alors même que les éléments du dossier auraient pu conduire à la relaxe, cette magistrate estime que cette issue était inconcevable pour elle, au motif qu’une telle déclaration aurait heurté gravement ses convictions. Or, la justice, c’est exactement le contraire. C’est le dossier qui commande. Les états d’âme des juges, leurs options politiques éventuelles, n’ont pas vraiment leur place dans le débat contentieux, si ce n’est subsidiairement.
Avec la posture adoptée par la procureure, on franchit un palier. Un palier aventureux. On est au-delà du subjectivisme du juge. Ce mouvement d’humeur, voire cette pulsion de l’intéressée sont aussi révélateurs d’une instruction exclusivement à charge, que confirme la violence des réquisitions assorties, au surplus, de la préconisation de l’exécution provisoire du jugement. Le basculement vers l’arbitraire n’est pas loin.
Clairement, il faut dans l’esprit de certains magistrats empêcher la droite nationale d’arriver au pouvoir. Interdire l’alternance. Cette attitude témoigne d’un sentiment de toute-puissance, d’intouchabilité, de l’institution judiciaire qui doit inquiéter, et à est corriger sans retard. Les juges du siège auront-ils ce courage ?
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