Procrastiner : un mal français

Procrastiner : un mal français

Le général MacArthur, commandant dans le Pacifique de 1942 à 1951, n’avait que deux mots pour expliquer toutes les défaites : « Too late » (trop tard).
Les exemples abondent dans l’histoire de nos batailles perdues de 1870 à 1940 jusqu’à l’Indochine et l’Algérie, où la passivité, les retards et l’absence de décisions nous ont coûté très cher. C’est vrai dans l’action politique et économique comme dans la guerre. Le temps et les occasions gâchés ne se rattrapent jamais et se payent toujours au prix fort, capital et intérêts.
La gestion du « guêpier » algérien, dont nous ne sommes pas encore sortis après bientôt deux siècles de tribulations et de mécomptes, est un exemple emblématique de ce mal français de la procrastination, brocardée par un Président du Conseil de la IVe République qui disait « qu’il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par régler ».
Et pourtant, ce ne sont pas les avertissements qui ont manqué, ni les occasions de faire évoluer le régime colonial vers plus d’autonomie – que le pouvoir central n’a pas su saisir, par défaut de clairvoyance et de volonté.
Le projet Blum-Violette (ancien et excellent gouverneur général), élargissant l’accès à la pleine nationalité, tombe à l’eau à peine formulé en 1936, devant l’hostilité des colons, des oulémas et du PPA de Messali Hadj. Le projet de 1944 du gouvernement provisoire est une simple extension du projet Violette, mais les nationalistes en veulent plus. Le statut de 1947, voté après les émeutes de mai 1945, prévoyait une participation accrue des autochtones à l’Assemblée algérienne mais de 1948 à 1954, les partis nationalistes furent toujours mis en minorité par bourrage délibéré des urnes, avec la complicité du gouverneur général.
Pendant ce temps, aucun contact sérieux ne fut pris avec les nationalistes, sinon pour les exiler ou les interner.
À la Toussaint 1954, on incrimina à tort le MTLD de Messali Hadj qui n’était pour rien dans les attentats, les ressorts profonds de l’insurrection étant mal perçus, notamment sa composante ethno-religieuse et panarabe.
Nouvelles occasions perdues en 1956, après des pourparlers prometteurs au Caire, à Belgrade et à Rome, et, en dépit des contacts jamais rompus d’Albert Camus et Jacques Chevallier avec les modérés, on laissa Ferhat Abbas, notre dernière carte, rejoindre la rébellion.
De Gaulle, revenu à la faveur du pronunciamento du 13 mai 1958, ne sut pas profiter pas de l’euphorie provoquée par son retour pour installer sans délai un exécutif provisoire de type fédéral, qui pouvait faire consensus.
Il perdit encore plus d’un an avant de prononcer, dans un discours aussi mal inspiré que grandiloquent, le mot fatal d’autodétermination.
En dépit d’un contexte international hostile et d’une métropole lasse d’une guerre impopulaire, on pouvait encore espérer sauver ce qui pouvait l’être de nos intérêts, c’est-à-dire les droits et les biens de nos compatriotes pieds-noirs et ceux des Algériens fidèles.
Hélas, après deux ans de galère et de négociations laborieuses sous le spectre d’une guerre civile larvée (ce dont les émissaires du FLN profitèrent pour nous extorquer, une à une, toutes les capitulations), on signa à la hâte les accords de cessez-le-feu du 19 mars 1962, qui n’engageaient que la partie française, les instances du FLN s’empressant de les désavouer, trois mois plus tard, à Tripoli.
Au terme de cette braderie indigne, la France, qui, malgré les injustices du régime colonial, avait fait de l’Algérie un pays moderne, ne conservait que le droit de poursuivre les essais nucléaires au Sahara (souci le plus important du grand homme) et l’exploitation du pétrole d’Hassi-Messaoud (jusqu’à la nationalisation de 1971), au prix du lâche abandon des pieds-noirs, des Algériens fidèles et des harkis, passés par « pertes et profits » et condamnés à l’exil ou à la mort.
À force de procrastiner, on a donc fini par tout perdre, y compris l’honneur. On en mesure aujourd’hui les conséquences, à l’aune des difficultés que nous avons à intégrer les enfants issus de l’immigration, problèmes qui ne sont pas sans lien avec un passif si lourd et déshonorant.
Sans s’abaisser dans une repentance à sens unique, il faut tout faire pour que cet incendie fratricide, qui couve toujours, ne s’embrase à nouveau sur notre sol, tout faire pour la réconciliation des mémoires dans la vérité, afin d’honorer tous les morts, dont le sang ne doit être instrumentalisé et retomber comme une malédiction des deux côtés de la Méditerranée.

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Comments (1)

  • ELEVEN Répondre

    En fait de proscrastination il est de plus en plus urgent de la cesser vis a vis des gouvernants algériens (et accessoirement du peuple algérien lui même) qui nous emmerdent sans discontionuer – et de plus en plus devant leurs échecs intérieurs, faisant porter les résultats merdeux des leurs sur les autres -. Il est plus que tant de cesser de tendre la joue , le cou et le Q à ces zozos et de leur dire franchement que pour nous le “jeu” est terminé et que nous ne voulons plus rien discuter avec des menteurs pathologiques. Nous n’avons rien a attendre de gens et c’est normal et devons leur intimer qu’ils n’ont plus rien a attendre de nous, y compris en formation d’étudiants, re “regrouperment/invasion ” familial, etc.
    Le rappel du passé, c’est du flan : je l’ai vu sur place en Kabylie dans des villages lunaires ou aucun français n’avait foutu les pieds mais dont les murs étaient tagués de tags anti France ( alors que nos troupes leurs apportaient gratis la nourriture comme graines de couscous, huiles, etc)
    Merci de publier : J ASSUME

    26 avril 2024 à 1 h 45 min

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