Progression de l'islamisme radical dans l'Oise
PAS QUESTION de stigmatiser la pratique de la religion. Mais si musulman pratiquant ne signifie pas automatiquement fanatique religieux, il est impossible d’ignorer, dans l’Oise, la montée en puissance d’un islamisme plus rigoureux depuis plusieurs décennies. Tous les observateurs avisés s’accordent à estimer que si les musulmans sunnites, les plus modérés, restent bien les pratiquants les plus nombreux dans le département, leur influence diminue régulièrement au profit des mouvements plus rigides. Notamment les salafistes du GSPC, groupe salafiste pour la prédication et le combat, et les wahhabites (un islam dur qui ne prêche pas la violence mais oeuvre à un retour au Coran originel) ainsi que les fondamentalistes réunis derrière le Tabligh (propagation du mouvement religieux). Les incidents sont plutôt rares Cette divergence entre des musulmans modérés et un islam radical conduit, dans le département, à une redistribution des lieux de prière qui se sont multipliés ces derniers temps.
L’Oise compte aujourd’hui plus d’une vingtaine de lieux de rassemblement, de la vraie mosquée comme celles du Plateau-Rouher à Creil ou de Montataire, à des lieux plus confidentiels qui peuvent être parfois de simples appartements. A noter également que parmi les musulmans pratiquants, on estime à plus d’une centaine le nombre d’Oisiens, Français de souche et souvent jeunes, qui se sont ainsi convertis à l’islam ces derniers temps. Pas de surprise dans la répartition des pratiquants (qui constituent environ dix pour cent du total des musulmans) : c’est l’agglomération de Creil qui en rassemble, et de loin, le plus grand nombre. Des estimations raisonnables laissent à penser que l’agglomération – Creil, Nogent, Montataire et Villers-Saint-Paul – en accueille environ deux mille cinq cents (voir infographie) . Mais la véritable surprise vient de Noyon où les fidèles se rendant dans un lieu de prière sont presque aussi nombreux qu’à Compiègne ou à Beauvais. Il semble aussi que l’islam radical ait dans cette ville une plus grande emprise que dans les autres villes de l’Oise, excepté Creil, souvent au travers du Tabligh, bien implanté et séduisant envers les jeunes. Même si les spécialistes s’accordent à constater une montée de l’islam pur et dur dans le département, les incidents sont plutôt rares. Le 31 décembre 2004, un différend entre deux familles à propos d’un mariage qui avait opposé une cinquantaine de personnes, rue de Clermont à Beauvais, aurait pu passer pour une querelle de famille. Il s’agissait davantage d’un problème sérieux entre deux camps ne partageant pas les mêmes conceptions musulmanes. Autre incident, l’arrestation par la brigade criminelle parisienne, il y a quelques mois, d’une personne directement liée aux moujahidine du peuple, qui attendait en préfecture le renouvellement d’un titre de séjour. Plus récemment, en mars, un imam pakistanais qui officiait dans l’Oise a été expulsé, officiellement parce qu’il était en situation irrégulière. Le département compte actuellement une quinzaine d’imams qui prêchent régulièrement dans les mosquées et autres lieux de prière. Quelques autres, en provenance d’Ile-de-France et particulièrement du Val-d’Oise, viennent aussi officier de temps à autre dans les lieux de rencontre du département. Alors, l’Oise constitue-t-elle une base arrière de l’islamisme dur d’Ile-de-France ? Pas impossible. D’ailleurs ce n’est sûrement pas un hasard si Nicolas Sarkozy, au moment de lancer son opération « 26 quartiers sensibles » en 2004, avait fait ajouter in extremis Noyon dans la liste. Ce n’est pas un hasard non plus si les agents de la DST en Picardie ont quitté il y a deux ans Amiens, la capitale régionale, au profit de l’agglomération de Creil où ils travaillent aujourd’hui à une bonne dizaine.
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