Proportionnelle : comment conjurer le danger

Proportionnelle : comment conjurer le danger

Certains partis sentent venir un échec aux élections européennes et, en prévision des législatives, on commence à entendre des voix pour instiller « une dose de proportionnelle », afin que le Parlement soit davantage « à l’image du pays ».
C’est une menace très grave qu’il convient de conjurer par tous les moyens.
Les générations qui ont connu la IVe République ont pu mesurer les dégâts de la proportionnelle : impossibilité fréquente de dégager des majorités stables, valses des gouvernements, paralysie partielle des institutions. À ces maux bien connus, il faut en ajouter un qui, pour sembler secondaire, n’en est pas moins pernicieux. Dans une élection uninominale, l’électeur choisit son député. La proportionnelle lui interdit ce choix qui est confisqué par les partis.
On peut même dire que la proportionnelle est surtout faite pour cela. En effet, ce sont les partis qui constituent les listes, et il est évident qu’ils placent leurs favoris en tête de liste afin d’assurer leur élection. La proportionnelle permet surtout de sauver les copains qui auraient risqué d’être battus au scrutin uninominal. En outre, la proportionnelle éloigne les députés de leurs électeurs.
Même si l’on parle d’une « dose de proportionnelle », on voit mal au nom de quoi certains départements seraient régis par un mode de scrutin, et d’autres départements par un autre mode.
En revanche, on pressent très bien quelles menaces ces « désirs de démocratie » font peser sur nos institutions. Il ne faut pas oublier que l’objet primordial d’un mode de scrutin est de dégager une majorité de gouvernement. Par l’émiettement des élus, la proportionnelle oblige souvent à constituer des coalitions dans lesquelles de petits « partis charnières » font basculer les majorités au gré de leurs intérêts.
C’est pourquoi il faut tenter de bâtir un système électoral qui, tout en donnant satisfaction aux tenants irréductibles de la proportionnelle, permette de désamorcer les effets pervers de ce mode de scrutin. C’est le sens du projet développé ci-après.
Pour le mettre en œuvre, il ne serait pas nécessaire de modifier la carte des circonscriptions.
Le scrutin uninominal a l’avantage énorme de garantir une proximité entre l’électeur et son député, et celui-ci peut assurer une présence périodique dans toutes les localités de sa circonscription.
À côté de ces députés élus au scrutin majoritaire dans chaque circonscription, il faudrait étudier – et c’est là le côté novateur du projet – la possibilité d’élire environ 40 à 50 députés sur des listes nationales présentées par les partis. Ces députés devraient être élus à la proportionnelle sans imposer un seuil minimum d’éligibilité. Dans ces conditions, le nombre de 40 à 50 députés permettrait d’assurer la représentation de toutes les « sensibilités » puisqu’il suffirait de recueillir environ 2 à 2,5 % des suffrages exprimés pour avoir un élu.
Ce projet permettrait donc d’ouvrir la représentation nationale à toutes les tendances politiques sans exception, tout en évitant de compromettre la majorité issue du scrutin uninominal.
Il peut y avoir des difficultés d’ordre institutionnel pour élire d’une part des députés élus par circonscription, et d’autre part des députés élus sur des listes nationales. Mais la voie est étroite pour introduire une dose de proportionnelle sans dénaturer, voire paralyser nos institutions.
En outre, il est fondamental de conserver le bicamérisme. Le rôle du sénat est capital dans l’équilibre des pouvoirs qui caractérise une démocratie saine. À cette fin, les sénateurs doivent continuer à être élus au second degré, selon un scrutin uninominal majoritaire. Vouloir faire du sénat « un clone » de l’assemblée serait un autre déni de démocratie.

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