Services privés et services publics

Services privés et services publics

Voici ce qu’écrivait Frédéric Bastiat vers 1848 :

La vie en société implique que les hommes se rendent mutuellement des services. Il peut s’agir d’un échange de services, mais plus généralement l’échange se fait entre un service et un paiement en monnaie.

L’échange est précédé d’une double démarche :

– D’un, côté l’offreur de service s’attache à fournir une prestation de qualité à un prix raisonnable. La concurrence des autres offreurs est pour lui un excellent stimulant.

– De l’autre côté, l’acheteur de service doit exercer son jugement pour sélectionner l’offre qui lui convient le mieux en prix et en qualité.

L’échange de services constitue une transaction dans laquelle chaque partie doit faire preuve de discernement et conserve sa totale liberté de décision. Chaque partie assume totalement sa responsabilité.

Mais il existe une classe de services qui, par la manière dont ils sont rendus et rémunérés, sont très différents des services privés. Ce sont les services publics. Si un besoin revêt un caractère d’universalité, les hommes constituant une collectivité (commune, région, nation) peuvent décider de satisfaire ce besoin par une action collective. Ils font de la satisfaction de ce besoin un service public.

Dans leur nature, services publics et services privés sont des échanges. Mais les procédures selon lesquelles s’effectuent ces échanges sont totalement différentes.

Dans le service privé, l’échange est placé sous le double signe de la liberté et de la responsabilité.

Dès que la satisfaction d’un besoin devient l’objet d’un service public, elle est soustraite au domaine de la liberté et de la responsabilité individuelles.

L’offre de service public n’est plus soumise au puissant stimulant et facteur de progrès qu’est la concurrence.

Le fonctionnaire n’est plus tenu « de faire mieux », mais d’appliquer scrupuleusement les règlements qu’on lui impose.

Du côté de la demande de service, l’acheteur est confronté à une offre intangible, en prix et en qualité.

Il cesse d’exercer un libre contrôle sur ses propres satisfactions et, n’en ayant plus la responsabilité, il cesse d’en avoir la pleine compréhension. La prévoyance lui devient tout aussi inutile que l’expérience. Il est dépossédé de son libre arbitre.

Non seulement il ne juge plus par lui-même, mais il se déshabitue de juger par lui-même.

Cette passivité morale gagne ainsi l’ensemble de ses concitoyens.

Or la responsabilité est tout pour l’homme : c’est son moteur, son guide, son professeur.

Sans elle, l’homme n’a plus de libre arbitre, il n’est plus perfectible, il n’apprend plus rien.

Il tombe dans l’inertie et ne compte plus que comme une tête dans un troupeau.

Mais si c’est un malheur pour l’individu, c’est encore bien pire à l’échelle d’une nation !

Quand l’état se charge de tout, il devient responsable de tout. Le peuple qui souffre ne peut que s’en prendre à lui.

Le peuple, accoutumé à tout attendre de l’état, ne l’accuse pas de faire trop mais de ne pas en faire assez.

Et c’est ainsi que l’abîme se creuse sans cesse.

On ne saurait attendre de l’état que deux choses : justice et sécurité. On ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième.

Manifestement, nul n’est prophète en son pays ! n

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