Une justice française profondément détraquée

Une justice française profondément détraquée

5 juillet 2020. Philippe Monguillot, chauffeur de bus à Bayonne, est assassiné avec une ignoble sauvagerie.

L’assassinat fait la une des médias pendant quelques jours. La veuve de Philippe Monguillot exprime sa douleur et sa colère.

Puis vient l’oubli.

L’actualité se dirige dans une autre direction.

Les deux assassins sont en train de passer en jugement en ce moment, en compagnie de l’homme qui leur avait permis d’échapper à la police pendant une journée.

La veuve de Philippe Monguillot parle à nouveau et dit qu’elle veut que les peines prononcées soient exemplaires, aux fins qu’il n’y ait plus d’assassinat semblable en France. Elle risque fort d’être déçue.

Les deux assassins risquent vingt ans de prison, et ils ont tous les deux vingt-cinq ans.

Ils ressortiront de prison à quarante-cinq ans, peut-être avant s’ils font preuve de « bonne conduite » et, s’ils le veulent, ils pourront recommencer.

Peut-être voudront-ils à nouveau prendre un bus sans payer, car c’est ce qu’ils ont fait le jour où ils ont assassiné Philippe Monguillot.

Peut-être un chauffeur de bus leur demandera-t-il de payer leur billet, c’est ce qu’a fait Philippe Monguillot le jour où il a été assassiné.

Peut-être se mettront-ils en colère, et frapperont-ils le chauffeur en le laissant pour mort, c’est ce qui est arrivé à Philippe Monguillot.

Le simple fait que l’assassinat ait été requalifié et défini comme « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » est très significatif : s’acharner sur un homme à terre, lui donner des coups de pied dans la tête et faire éclater sa boîte crânienne n’implique aucune intention de donner la mort, bien sûr !

Les deux assassins étaient des criminels récidivistes et avaient déjà été condamnés à des peines trop légères.

Ils seront condamnés à des peines trop légères encore.

J’ai déjà écrit il y a quelques mois que l’échelle des peines judiciaires, en France, montre un mépris pour la vie humaine – et je le maintiens.

En France, la justice épargne les assassins.

Les assassins, eux, n’épargnent pas leurs victimes.

La justice est censée prononcer des châtiments à hauteur des crimes commis.

Condamner un assassin à vingt ans de prison, souvent à moins, n’est pas du tout prononcer un châtiment à hauteur du crime commis, surtout quand l’assassinat a été particulièrement barbare.

L’espoir de la veuve de Philippe Monguillot qu’il n’y ait plus d’assassinat semblable est lui-même un espoir vain.

Il y a eu, depuis juillet 2020, plusieurs assassinats du même type.

Il y a même eu des assassinats plus barbares et plus ignobles encore.

L’assassinat de Samuel Paty, par exemple : trancher au couteau la tête de quelqu’un relève d’une abjection innommable.

Ce qu’a subi à Paris la petite fille appelée Lola il y a quelques mois dépasse encore en horreur et en ignominie ce qu’a subi Samuel Paty : je ne peux penser à ce qu’a subi cette petite fille sans être imprégné d’une colère totale et absolue – et le mot barbarie est, là, très insuffisant.

Et il y avait eu avant l’assassinat de Philippe Monguillot d’autres assassinats atroces.

Il y avait même eu deux décapitations avant celle de Samuel Paty : celle d’Hervé Cornara en Isère, et celle du père Jacques Hamel en Normandie, perpétrée sur un prêtre en train de dire la messe.

La France est un pays où on ne respecte plus la vie humaine, non.

C’est un pays où les assassins bénéficient de mansuétudes qui leur permettent de récidiver.

C’est un pays où la barbarie est désormais installée et est devenue peu ou prou impossible à éradiquer parce qu’il est devenu peu ou prou impossible de fustiger verbalement les barbares, et impossible de les condamner en justice comme ils devraient être condamnés.

L’assassin de Samuel Paty s’est condamné lui-même à mort, l’assassin d’Hervé Cornara aussi, les assassins du père Hamel ont été abattus par la police.

La femme qui a assassiné Lola aura une peine aussi faible que les assassins de Philippe Monguillot.

L’homme qui leur a permis d’échapper à la justice pendant une journée risque cinq ans de prison : cinq ans pour cela, alors que les assassins risquent seulement vingt ans ?

Il y a quelque chose de profondément détraqué dans la justice française aujourd’hui.

Partager cette publication

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *