Engels, les guerres afghanes et les funérailles de l’occident

Engels, les guerres afghanes et les funérailles de l’occident

La déroute occidentale en Asie centrale se précise. L’irréelle guerre afghane, entreprise par Bush quinze ans après le retrait soviétique (mais au moins l’armée rouge avait fait le ménage sur ces hauteurs désolées : un million de morts et trois millions de réfugiés), surnommée « war on terror » par les médias contestés de Rupert Murdoch, aux ordres des services secrets, cette guerre irréelle aura coûté plus de mille milliards de dollars, mené les USA aux bords de la banqueroute et précipité les européens assujettis dans de nouvelles mésaventures, dont sans doute ils avaient perdu le bon souvenir. Les pitoyables funérailles de nos soldats tués là-bas dans des conditions à la fois clownesques et sinistres auront rappelé les épisodes peu glorieux du Liban en 1983. Mais je n’ai pas plus envie de commenter ces événements aussi ignominieux, tartufes et ubuesques que la guerre de Libye. Au moins n’envoie-ton pas cent mille jeunes Français de se faire égorger là-bas comme au joyeux temps de Jules Ferry, Poincaré ou Paul Reynaud. « La croisade apocalyptique », comme dit Céline, a fait long feu. Jusqu’à présent.

Comme toujours, il suffisait de relire quelques classiques pour se rendre compte de la difficulté de la situation. Cette fois Kipling et son Kâfiristân étaient de trop, on pouvait se contenter de journalistes et d’économistes, quand ceux-ci faisaient leur travail.

En 1857, au moment de la guerre des cipayes, Engels écrit un article pour une revue américaine, The New American Encyclopaedia. Il s’appuie sur un ouvrage de J.W. Kaye : History of the war in Afghanistan, volumes I et II, Londres, 1851. Engels se contente de souligner que :

La position géographique de l’Afghanistan et le caractère particulier de son peuple confèrent au pays une importance politique qu’il ne faut pas sous-estimer dans les affaires d’Asie centrale. C’est une monarchie, mais l’autorité du roi sur ses sujets fougueux et turbulents est personnelle et très incertaine.

Cette position géographique intéresse évidemment l’Angleterre, éternelle puissance des grands coups stratégiques ; et aussi Napoléon qui envoie en Perse le général Gardane en 1809 pour inciter ce grand pays à envahir l’Inde.

Sur les capacités guerrières des Afghans, et sans avoir recours au terrorisme musulman, Engels constate placidement que la dimension épique et féodale ne leur fait pas défaut :

Les Afghans sont un peuple courageux, résistant et indépendant. Ils se consacrent essentiellement à l’élevage et à l’agriculture et évitent le commerce qu’ils abandonnent avec mépris aux Hindous et à d’autres habitants des villes. Pour eux, la guerre est exaltante et les soulage de leurs occupations monotones et industrieuses.

Les grandes manœuvres commencent au XIXème siècle ; c’est ce qu’on a nommé la guerre de l’ours et la baleine, monde russe contre monde anglo-saxon. Interdire aux Russes l’accès aux mers chaudes, empêcher la défaite de ottomans qui torturent les chrétiens (il est vrai orthodoxes ou catholiques), protéger la « couronne de l’empire britannique », tels sont les objectifs anglais, puis américains.

Une grande guerre éclate en 1839 pour placer au pouvoir un roi de pacotille à la solde de l’Angleterre. Mais en l’absence de Gary Cooper et des autres lanciers, l’affaire se passe mal. Engels note comme s’il vivait aujourd’hui que…

La conquête de l’Afghanistan semblait accomplie et une part considérable des troupes fut renvoyée. Mais les Afghans n’étaient en rien satisfaits d’être gouvernés par les kafir feringhee (les infidèles européens) et tout au long des années 1840 et 1841, les insurrections se succédèrent dans toutes les régions du pays. Les troupes anglo-indiennes devaient sans arrêt intervenir. Enfin, les chefs afghans étaient subventionnés, ou plutôt soudoyés, par la même source, afin de les empêcher de nuire… Il ne fait pas de doute non plus, que, à ce moment-là, la haine de la domination britannique sur les Afghans avait atteint son apogée.

On atteint l’apogée de sa puissance quand on atteint l’apogée de la haine que l’on inspire. C’est ainsi qu’en 1842 la conquête britannique tourne au désastre et l’on doit évacuer Kaboul :

Le 5 janvier, les Anglais quittèrent le pays, 4 500 soldats et 12 000 civils. Une journée de marche suffit à dissiper les derniers vestiges d’ordre et à mélanger les soldats et les civils en une confusion épouvantable rendant toute résistance impossible. Le froid, la neige et le manque de nourriture eurent le même effet que lors de la retraite de Moscou de Napoléon en 1812. Mais à la place des Cosaques se tenant à une distance respectable, les tireurs d’élite afghans furieux, armés de mousquets à longue portée, occupaient toutes les hauteurs et harcelaient les Anglais.

Il est important de remarquer, à la lecture de ces lignes, à quel point il est devenu essentiel pour nos gouvernants, que ce soit dans le domaine de l’économie et de la monnaie, ou de la guerre et de la diplomatie, de ne jamais tenir compte des leçons du passé : c’est le seul moyen de renouveler les mêmes erreurs, et de satisfaire les puissances (Byron disait les « agences ») qui les ont mis là, au mépris des peuples qui croient les avoir élus.

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Comments (1)

  • Anonyme Répondre

    Comme d’habitude, on ne comprend strictement rien à ce que vous écrivez.

    26 juillet 2011 à 14 h 52 min

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